Une nouvelle maire à Courchevel

Récit imaginé par Emilie Renaude, Louise Reynaud, Maxime de Beauchesne et Emmanuelle Orvain, et facilité par Priscille Cadart dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 6 avril 2023 en partenariat avec Maxime Barluet de Beauchesne.

Thème de l’atelier :  Et si demain, les entreprises vivaient au rythme des saisons ? 

3 aout 2049 – Compte-rendu de conseil communautaire de Courchevel

Objet de la réunion : élection du ou de la nouvelle maire nature

Rappel de l’historique :

Courchevel Village est une ancienne station de ski de luxe qui a définitivement fermé en 2039.

Sur les 2000 habitants permanents, 500 ont décidé de ne pas descendre en ville, et pour cela ils ont entrepris une transformation radicale pour réussir à continuer à vivre sur place tous ensemble.

1 – Premier constat : contrairement au reste du vivant de notre territoire, nous vivons à fond l’hiver, et au ralenti le reste du temps. Cela nous a menés à notre perte. Si nous voulons continuer à vivre ici, il va falloir accepter les contraintes de notre territoire. 

2 – Deuxième constat : comme plus aucun touriste ne viendrait, le village ne pouvait plus compter sur un apport de ressources venant de l’extérieur. Il allait falloir faire avec les ressources sur place.

Les villageois se sont alors réorganisés pour pallier aux besoins essentiels : logement, nourriture, habits, santé, éducation, loisirs, art et culture.

L’ancien maire ayant déserté, le village ne voulait plus de « chef », personne ne souhaitait se présenter, et en même temps tout le monde sentait bien qu’il allait falloir prendre des décisions et guider cette transition radicale. 

Est alors venue l’idée de ne pas avoir de maire humain, mais un maire vivant non humain qui serait moins là pour donner des ordres que pour donner des idées, des intuitions, sur comment vivre et survivre aux saisons. 

Le premier maire nature a été un arbre. 

Mais cet été d’août 2049 – le maire est mort de sécheresse. 

Il faut en choisir un autre pour inspirer la résilience du village.

Voici le compte rendu du conseil communautaire de Courchevel

Présent.e.s à l’assemblée : La boulangère, le maître des écoles, l’hôtelière 

Absent.e.s : la banquière

Présentation de l’ordre du jour :

La situation nous impose de réélire un nouveau ou une nouvelle « maire nature », duquel s’inspirer pour continuer à rythmer notre communauté en accord avec celui de l’ensemble du vivant. La station vit en effet déjà au rythme des saisons depuis 2 ans. L’arbre était l’inspirateur de nos rythmes de vie, mais force est de constater que nos efforts n’ont pas suffi et qu’il n’a pas été résilient en ne résistant pas à la sécheresse.

Qui pourrait aujourd’hui inspirer la résilience de la communauté ?

Débats ayant eu lieu au sein du conseil :

Des détracteurs de cette élection ont porté ce message : « on vous avait dit qu’il ne fallait pas élire un arbre ! »

La boulangère souligne qu’elle a besoin d’un·e maire nature qui prenne en compte le besoin de stocker avant l’hiver. Elle manque également de liquidités : l’eau se fait rare et le moulin ne tourne plus. Elle a du mal à trouver des solutions pour assembler assez de grain pendant l’automne, afin nourrir tout le monde. 

Le maître d’école est venu nuancer le propos des détracteurs en évoquant que la mort n’est pas un échec, qu’elle fait partie de la vie. La communauté a essayé de se caler au rythme de vie de l’arbre sage : il nous a aidé à transformer considérablement nos pratiques. Nous avons créé notre école des saisons, qui nous permet de créer le potager qui alimente la cantine tout en étayant les connaissances des enfants. Comme il meurt aujourd’hui, il donne un autre message. Peut-être faut-il continuer nos efforts pour préserver les ressources, et notamment l’eau qui conditionne toute vie. Mais peut-être nous donne-t-il aussi l’occasion de nous mettre à l’écoute d’autres espèces du vivant pour caler nos rythmes de vie. Vivre et vivre ensemble, nous ramène à penser à la notion d’essentiel, et de finitude de nos propres existences, mais aussi à celle de tout être vivant. »

L’hôtelière ajoute que les chambres vidées par l’arrêt de la venue des touristes, sont de nouveaux pleinement remplies par les migrant.e.s venant de l’Italie – les places se font rares et les hivers trop rudes pour les habitations légères mis en place en complément. Elle a besoin d’un·e maire nature qui saura la guider pour trouver une façon de les loger, de les chauffer et de les nourrir. 

La question de la communication avec ces êtres de la nature s’est posée : 

– Est-on vraiment en capacité de nous harmoniser avec le vivant ? 

– De caler nos rythmes de vie sur celui des saisons ?

La boulangère pense que le végétal n’est peut-être pas le plus à même de les conseiller sur les notions de stockage vu qu’il n’a pas à se soucier de cela pour lui-même. Selon elle et plusieurs autres participants au conseil, les habitants ont besoin de s’inspirer de communautés, pour rythmer la leur.

Décision finale :

Finalement, la marmotte est élue à l’unanimité en tant que « maire nature », c’est-à-dire en tant qu’inspiratrice de la communauté de Courchevel Village.

Ce qui a amené à cette décision : sa façon d’appréhender les saisons, source immense de renouveau pour le collectif, qui a été amené à ralentir, à prendre soin de soi et des autres. 

Les habitants ont été heureux à l’idée d’aménager savamment des galeries souterraines (et d’anciens parkings) pour y passer l’hiver, acceptant le climat. 

Dans l’intersaison, le maître d’école a créé une activité « préserver la ressource en eau » avec ses élèves, et rapidement, les résultats sont arrivés grâce aux réserves conçues.

Au printemps et en été, la communauté vivait dehors, prenant soin du ruisseau, se délectant de salades composées des cueillettes de plantes sauvages, s’amusant à danser, chanter, bronzer et jouer dans les alpages.

Petit à petit, à l’automne suivant, la marmotte ayant « fait infuser » ses idées en tant que maire nature, un nouveau mode de communication a été instauré pour plus de convivialité : le fait de se renifler les joues pour se saluer.

L’alignement aux cycles est définitivement une belle réussite.