PatriArchaïque

Et si en 2050, on imaginait une société libérée du patriarcat ?

Imaginez:

La société a atteint un niveau de maturité collective qui a permis de revenir à la racine des problématiques écologiques et sociales de notre siècle. En remettant en question le patriarcat, une nouvelle société a émergé, aux valeurs radicalement différentes de celles du début du siècle. Ces valeurs se sont matérialisées dans les relations humaines comme dans la vie quotidienne. Naître homme n’est plus un privilège ni un fardeau.

Naître homme n’est plus associé à une exigence de virilité. On ne parle plus de féminité.

On ne parle plus de masculinité .

On parle d’humanité.

On parle tout simplement d’humains toutes et tous soucieux.ses de leurs vulnérabilités, de leurs forces et de leurs relations à soi, aux autres et à la planète.

Récit imaginé par Axelle Kiers, Géraldine Fourré, Capucine Larie, et animé par Chloé Marquis dans le cadre l’atelier Futurs Proches réalisé le 8 novembre 2022 en partenariat avec Myceli’hommes.



10h – Diego est en retard. Il a prévu d’échanger avec César, son apprenti Doula devant un café avant le rush de la journée. César a beaucoup de questions sur ce qui a motivé Diego à devenir Doula. Heureusement, il arrive pile à l’heure, prêt à répondre aux questions sur son parcours.
C’est vrai, que ce n’était pas évident de prime abord : Diego est argentino-iranien élevé dans ces deux cultures. Il avait deux soeurs qu’il adorait. Mais l’une d’entre elle a perdu la vie lors de son accouchement. Traumatisé, il a décidé de devenir doula pour aider les femmes à accoucher en toute sécurité. Il a fait ses valises et s’est installé à Nancy où se trouve une école pour Doula.

Le voilà plongé dans une discussion avec César dans la cafétéria de a maison de naissance aux couleurs joyeuses et dont le délicieux café est est le secret le moins bien gardé de la maison de naissance..

– Diego !
– Oui, il y a un problème ?
– Non, une des femmes que tu accompagnes s’est présentée à l’accueil en plein travail. Tu t’en occupes avec César ?

10h32 – La maison de naissance se met en marche.

L’accouchement de la jeune femme n’était pas prévu avant au moins 4 semaines, mais la nature, dans toute sa splendeur, en a décidé autrement.

Diego, riche de son expérience, l’accueille : le mécanisme est bien rodé, et habituellement, les événements et pratiques se succèdent habilement : technique médicale, hypnose méditative, chant chamanique…

Mais aujourd’hui, quelque chose de différent. Une sensation amère, Diego le sent bien. Cette femme n’est venue en consultation qu’une fois, et n’avait pas voulu être examinée. Diego prévient César, cette naissance sera différente.

Cette impression se renforce une fois que le groupe se retrouve en petit comité, dans la tranquillité de la salle.

Les langues se délient, et la jeune femme s’exprime et ose révéler le souvenir de la violence dont elle a été victime dans son pays d’origine : une excision qui l’a blessée jusqu’au plus profond de sa chair, douleur encore présente aujourd’hui. Diego sait qu’aujourd’hui, cette naissance doit compter : il a le pouvoir d’inverser cette violence, en offrant à cette jeune femme un accouchement symbolique de cette société égalitaire dans laquelle il a la chance d’évoluer.

17h04 – Comme d’habitude, le personnel de la maison de naissance se réunit pour un cercle de parole, afin de partager les expériences et apprentissages du jour. Pour la première fois, César prend la parole ce soir, il éprouve le besoin de raconter sa rencontre avec la jeune femme excisée. Il est en effet profondément choqué par cette pratique qu’il pensait ancienne et oubliée. Et pourtant, dans d’autres cultures, le patriarcat semble encore exister, jusqu’à laisser des séquelles visibles sur le corps des femmes. Il est fondamental pour César de s’en rappeler pour mesurer l’évolution de la société dans laquelle il vit. Cela fait en quelque sorte partie de son devoir de mémoire. Et ce soir, il est heureux d’avoir aidé cette jeune femme à se libérer symboliquement de ce patriarcat, en l’aidant à accoucher.

18h – Diego retrouve César l’air abasourdi à la sortie du cercle de parole, près de la petite serre.

– Alors comment te sens-tu après cette 1ère semaine de stage ? T’as vu, aucune journée ne se ressemble, n’est- ce pas ? Oh et cette femme aujourd’hui, quelle puissance…… »
– Oui, cette femme m’a beaucoup marqué, j’ai eu à la fois de l’empathie pour la douleur liée à son histoire, douleur qu’elle porte jusque dans sa chair, et en même temps beaucoup d’admiration pour cette personnalité si forte. Et toi ! J’ai tellement aimé la manière dont tu t’es dévoué à cet être avec toutes ces cordes à ton arc. Je sais maintenant. C’est sûr ! Je veux être doula.