06 Mai Le chant de la Terre….ou l’éveil insoupçonné
Récit imaginé par Marie Vandewalle, Noémie Donzella, Céline Robert, Myriam Brand, Katia Le Dudal, et facilité par Lauriane Pouliquen-Lardy dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 6 mai 2021.
Thème de l’atelier: et si nous imaginions des cours de futur à côté des cours d’histoire à l’école pour libérer les imaginaires des enfants ?
Paris 2050.
Loa sort en vélo acheter son litre de lait frais quotidien ce matin là. C’est un jeune homme à peine sorti de l’enfance. A 21 ans, il est un étudiant brillant, mais hésite perpétuellement entre poursuivre une carrière en astrophysique qu’il a initiée et se dédier à sa passion pour l’art et la musique. Depuis que les cours de futur sont entrés à l’école, la singularité des élèves et la place de leurs passions sont beaucoup plus respectées qu’il y a à peine quelques décennies. Le champ des possibles a élargi les horizons de ces nouvelles générations mais continue de créer en eux des tensions internes fortes. Il n’est jamais simple d’identifier son propre désir, même quand on est allé à l’école de l’imagination.
Ce matin-là, il chantonne la dernière chanson qu’il a composée la veille en remontant l’avenue de l’Opéra. Il a lu un jour qu’au début du XXIème siècle, c’était la seule avenue de Paris qui était plantée d’arbres. Aujourd’hui, la végétalisation de la capitale entamée il y a trente ans a transformé Paris en une véritable jungle. Mais les arbres et les fleurs ne parviennent pas à couvrir le bruit des véhicules qui inondent la capitale, et Loa supporte de moins en moins la densité parisienne qui rend les relations humaines parfois trop hostiles.
Sa nouvelle chanson, il l’a écrite pour sa grand-mère, une des grandes astrophysiciennes des années 2000. Elle aurait rêvé partir en mission à l’époque où la conquête spatiale en était encore à ses balbutiements, mais une condition physique trop fragile l’a toujours maintenue au sol. Elle a transmis à son petit fils sa passion pour les étoiles, et a placé en lui des espérances qu’il trouve parfois un peu lourdes à porter.
Loa s’arrête brusquement. Il a une intuition forte que quelque chose va dramatiquement changer dans sa vie. Il ne sait pas quoi mais il est assez inquiet pour chercher son téléphone dans sa poche qu’il avait mis sur silencieux. Des dizaines d’appels manqués. Ses parents, son frère ont essayé de l’appeler. Sa mamie chérie est morte dans son sommeil. Son champ de vision se trouble. Il a l’impression que son monde s’effondre. Plus rien n’a de gout ni d’odeur. Plus rien n’a de sens. Et pourtant, une pensée remonte en lui, un rêve. Le rêve de sa mamie de le voir partir sur la Lune. Dans son éducation, on lui a appris que tout était possible. Que rien n’était écrit, que quand on voulait on pouvait. Et que si on n’y arrivait pas, c’était un moment d’apprentissage et non un échec. Alors la Lune, et bien pourquoi pas!
Après les obsèques de sa grand-mère, il s’inscrit dans un programme pour devenir astronaute. Pour cela il doit quitter Paris, la grande ville où il a vécu toute sa vie pour se rendre en Guyanne, sur la base de lancement de Kourou. Il passe haut la main l’examen de passage grâce à ses cours interdisciplinaires, qui l’ont préparé à mettre en application des disciplines bien séparées.
L’arrivée de Loa en Guyane est pleine de découvertes auxquelles il ne s’attendait pas. Il passe certes du temps dans les bureaux du CNRS – ce à quoi il aspirait – mais prend toute l’ampleur de la vie en extérieur : sentir le soleil brulant sur sa peau, la pesanteur de l’humidité, les pluies soudaine, qui permettent à la vie de foisonner partout, des plantes gigantesques, des oiseaux multicolores qui sont comme des rayons de lumière, des marais aux poissons et aux caïmans en voie de disparition, par endroit les traces des amérindiens … Les multiples peuples arrivés sur cette terre au cours de l’histoire … Peu à peu, il se laisse séduire par tout ce foisonnement. Tant qu’il peut, il dort en forêt sous un carbet, où il écoute les bruits de la nuit, les multiples grenouilles du crépuscule, les singes, le vent, les insectes. il vit pleinement cette nouvelle expérience, retrouve des forces, sa créativité, son plaisir d’inventer … et peut enfin faire le deuil de sa grand mère dont la présence spirituelle l’accompagne de plus en plus dans sa nouvelle vie. Il commence à comprendre ce que sa grand-mère a toujours voulu lui inculquer: suivre ses rêves en écoutant son for intérieur, apprendre à être soi avec les influences reçues en héritage.
Loa renoue avec ses amours artistiques. Bouleversé par ce nouveau monde qui l’entoure, Loa entreprend un voyage intérieur qui le reconnecte à la nature et à son authenticité. Chaque nuit passée à la belle étoile il trouve l’inspiration pour composer des chansons avec sa guitare. A l’aube, il réalise des oeuvres d’art avec des graines qu’il connait désormais très bien grâce aux échanges avec le chaman qu’il a rencontré.
Loa utilise ses connaissances scientifiques et les découvertes faites en Guyane pour mettre en place des supports et des oeuvres adaptées aux contraintes d ‘un voyage dans l’espace. Ses collègues du CNRS deviennent ses émissaires pour envoyer dans l’espace les oeuvres d’art qui sensibiliseront les terriens à la protection de la nature et à la poésie de la Terre. Ses oeuvres bénéficient de la médiatisation forte de la dernière mission spatiale, suivie en direct par des milliards d’êtres humains, et ont peu à peu un impact puissant sur l’humanité qui redécouvre la Terre dans l’espace. A ce jour sa plus grande performance est d’avoir diffusé en simultané sur toute la planète depuis la lune une discussion avec des arbres, technique basée sur les ondes et les hormones qu’il a mise au point avec l’aide d’étudiants du CNRS.
Il conçoit un nouveau programme d’enseignement et met en place un cours du futur dans lequel il réalise son rêve d’interdisciplinarité qu’il dispense en Guyane où il s’installe définitivement. Il enseigne les sciences à travers son art, en chantant la nature du microcosme au macrocosme. Chacun de ses cours devient une oeuvre d’art dans laquelle les élèves deviennent co-créateurs.