La cigale et la fourmi: une autre fin est possible

Récit imaginé par Alain Berod, Bastien Louboutin, François Caron, Julien Rousseau et facilité par Mathilde Vandaele dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 2 décembre 2021.

Thème de l’atelier : « Le lien dans l’adversité, quels récits imaginer pour créer, entretenir ou réparer des liens dans un contexte d’effondrement? ». Atelier mené en collaboration avec Charline Schmerber, praticienne en psychothérapie éco-anxiété.


Je m’appelle Anna, j’ai 11 ans. Je suis née dans une famille où mes parents, d’une nature écologique, ont fait le choix de changer de vie alors que j’avais 5 ans. Avant ils vivaient dans une grande ville du sud de la France , à Toulouse. Mon père était ingénieur en aéronautique. Ma mère était enseignante à l’Éducation Nationale. Avec la crise du Covid en 2020, mon père a pris conscience de la voie sans issue dans laquelle il était professionnellement. De plus, à cette époque là, les questions écologiques ont commencé à devenir de plus en plus présentes. C’était les débuts de Greta avant qu’elle ne devienne Présidente de l’Office Mondial de Préservation de la Biodiversité. On parlait aussi de façon de plus en plus prégnante de la raréfaction des ressources énergétiques. Un beau jour, les avions allaient rester cloués au sol alors autant prendre les devants et changer avant d’y être obligés.

Mes parents ont donc fait le choix de changer de vie. Ils ont quitté Toulouse et sont venus s’installer à Avène. Il s’agit d’une petite ville de 10. 000 habitants, au bord de la Garonne. Le paysage y est vallonné. Ils se sont installés à proximité d’un lieu dit alternatif. A l’époque, c’était un truc d’écolo, de bobo, bref d’individus atypiques branchés décroissance, zéro déchet…. Ça nous paraît bizarre de dire ça maintenant mais c’était assez novateur à l’époque de faire ce choix de vie nouveau alors qu’il parait que quand ils étaient jeunes, tout le monde ne jurait que par la ville, avec toutes ses possibilités de sorties, d’hyper-consommation… Papa a fait le choix de reprendre ses études et a fait une formation de BPREA Brevet Professionnel de Responsable Exploitant Agricole. Il suivait des ateliers d’agroforesterie, de maraichage en sol vivant,… Maman a décidé de faire l’école à la maison, avec l’IEF?. Quelques années plus tard, elle est devenue la prof de tout le lieu alternatif. C’était chouette, on apprenait plein de choses sur la nature, sur la biodiversité. On était sensibilisés à tous nos choix de vie nous permettant de devenir encore plus résilient.

Un beau jour d’hiver, alors que les températures étaient descendues très bas, j’ai vu une grosse voiture noire se garer devant l’entrée de la communauté. Trois personnes (dont une enfant de mon âge) en sont descendues, vêtues de vestes chaudes que je n’avais jamais vu auparavant: de très grosses fourrures se trouvaient sur leur capuche et elles ne possédaient aucune couture ni aucune traces de raccommodage, comme celle que je portais.

J’ai couru jusqu’au portail d’entrée pour les faire rentrer. Leur regard m’ont fait comprendre qu’il étaient exténués ainsi qu’apeurés, et ils tremblaient de froid, malgré leurs vêtements qui semblaient chauds. L’enfant (une fille) n’était pas très rassuré d’être ici, je l’ai senti tout de suite. J’ai lui ai lancé un sourire mais je pense qu’il ne m’a pas vue.

Avant que je n’ai eu le temps de refermer le portail pour les accueillir, papa est alors arrivé derrière moi et m’a demandé de m’éloigner. J’ai entendu des mots comme « intrus », « consuméristes », « inconscients »: mon père avait l’air d’être vraiment en colère contre eux, alors que ces derniers n’avaient rien fait de mal à mes yeux.

Ils sont remontés dans leur voiture et je ne les ai pas revu de la journée.

Le lendemain, en me promenant comme à mon habitude le long de la rivière pour aller chercher de l’eau pour ma toilette, j’ai aperçu le garçon???? Ce n’est pas une fille??? de la veille en train de jeter des cailloux assez violemment dans l’eau.

Je suis venu pour discuter avec elle, connaître l’histoire de leur famille. Ils avaient perdus leur logement après avoir perdu leur travail : diplomates dans une ambassade. Depuis l’arrêt d’internet et des voyages internationaux, ce métier a disparu. Ils sont venus jusqu’ici car la maison voisine appartenait à leur grand mère. En arrivant, ils ont tout de suite dû le prouver car, comme toutes les maisons encore en bon état, elle avait été occupée par d’autres personnes venues de la grande ville proche. Nous ne les avons pas rejetés, c’était leur droit de s’installer ici. Notre communauté leur a fournis des couvertures, et à manger à leur arrivée.  Cependant, cela a été une source de tensions pour tous; en effet, nous avons tous si peu ici et les potagers communs produisent peu. Au bout de quelques semaines, un changement s’est produit. Les parents de Sylvia ont réussi à tous nous aider en dénouant des tensions qu’on avait avec une communauté voisine.

Sylvia et sa famille ne savaient pas faire grand-chose de leur main

Mais Anna avait très tôt appris à tendre la sienne

A aimer

En toute circonstances

Comprendre ceux qui la rejettent

Elle avait peur de manquer comme les autres

Elle et sa famille étaient très vulnérables

Mais elle savait qu’elle pouvait apprendre à la Communauté à danser dans la tempête