La Chine c’est fini !

Récit imaginé par Jerome Fouilloy, Rachel Rodriguez, Vanessa WECK, Cyril Breton, Aude Nollet, facilité par Lauriane Pouliquen-Lardy dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 19 mai 2021 en partenariat avec Plus belle la politique.

Thème de l’atelier: Et si nous nous imaginions un.e président.e qui prenne ses décisions en accord avec les valeurs humanistes, écologiques et démocratiques , qui l’auront amené.e au pouvoir ? 


Le premier ministre vient voir la présidente dans son bureau. Georges, un huissier, est en train de lui faire signer des documents. Le premier ministre entre d’un pas nerveux et n’attend même pas d’être seul avec elle pour lui exposer les faits :  « Delphine, c’est en train d’exploser partout, j’ai dix préfets qui m’ont appelé aujourd’hui. Il y a des émeutes spontanées dans des centaines de magasins. Le chef de la police me met la pression pour envoyer l’armée à la grande manifestation prévue demain…. on est vraiment dépassés là !  »  Mohamed, le premier ministre, est en panique. 

Delphine, la présidente, prend une grande respiration. « Je sais. Les français voudraient trouver un exutoire à leur colère pour tous ces produits qui manquent. Six mois que la Chine a fermé ses frontières et tous les partenaires européens sont d’accord pour dire qu’ils n’ont plus d’espoir de réouverture prochaine. Moi même je suis dépassée, et tellement déçue car nous avions vraiment avancé sur la reconstruction démocratique de la France : on allait lancer la constituante dans trois mois ! Sur le climat, on était en train de trouver un accord avec toute la filière automobile ! Tout tombe à l’eau ! »  

Mohamed insiste : « les forces de l’ordre sont dépassées. J’ai déjà trois⁵ dérapages de violence policière qui m’ont été remontées. »   

Delphine : « On va réfléchir ensemble. Convoque un conseil des ministres extraordinaire! »   

Le soir même, tous sont assis en cercle comme ils ont l’habitude de le faire. Après un moment de tour de table sur leur météo intérieure, étape indispensable pour vider leurs émotions et pensées parasites, puis un moment de silence pour se centrer, ils arrivent, malgré les circonstances, à mener une réunion très efficace. Ils convergent rapidement sur une idée pour sortir de ce marasme.


Le lendemain, Georges est de repos. Il peut s’assoir tranquillement dans son canapé pour regarder la présidente. En effet, elle doit faire un discours diffusé sur toutes les chaines de télévision et de radio. Tout le monde attend des mesures rapides et concrètes. Mais la surprise est générale quand elle annonce qu’elle n’a pas de solution magique. Une présidente n’a pas toutes les solutions. La situation est exceptionnelle et une seule personne ou un gouvernement seul ne peut trouver toutes les solutions adaptées à chacun. Il faut que ces solutions proviennent de tous. Elle propose donc une consultation nationale des citoyens. Elle redonne à chacune et chacun une responsabilité. Cette consultation s’effectuera dans chaque région. Les solutions locales pourront être mises en place directement au niveau local et régional. Les solutions plus globales remonteront au niveau national et seront validées après étude de leur cohérence.Après consultation de ses ministres, la présidente propose de donner un jour de congés à tous les citoyens pour leur permettre de participer à la consultation. Les résultats permettront de définir la stratégie industrielle , qui devra respecter des cycles de productions durables, tout en garantissant l’emploi et en protégeant l’environnement. « Décidons ensemble ! »



Quelques mois plus tard, Georges participe à un groupe de réflexion technique né de la consultation citoyenne, celui de Cergy secteur 2. Il regarde une animation qui est projetée en conclusion d’une de leurs réunions, et qui a pour but d’expliquer à chaque citoyen ce qui s’est passé depuis la mise en place de la consultation.Timides d’abord, les idées se font de plus en plus nombreuses et sont transmises par les assemblées citoyennes locales. Les préfets ont collecté puis transmis à Paris. La diversité des idées soumises a illustré les différentes configurations des territoires et la créativité des participants, qui ont aussi surpris par leur nombre.Les participants ont salué le rôle central des fab labs, des repairs cafés et ressourceries pour réparer les équipements et la solidarité qui s’est organisée. Considérant la pénurie de matières premières, des sous-groupes ont commencé à lister des équipements essentiels pour le bien-être de chacun. La dynamique s’est étendue à toutes les assemblées. Ensuite, des petits groupes de réflexion se sont organisés pour concevoir des procédés de fabrication reposant sur les matériaux disponibles à proximité, aisément recyclables et peu énergivores. De même, ils ont réfléchi à la problématique de la réparabilité des biens conçus. Ils ont sollicité l’accès aux chaines de production des usines fermées. Ils ont d’abord essuyé un refus catégorique. Cependant, les dirigeants ont découvert médusés que plusieurs de leurs employés réfléchissaient déjà à de telles approches. De petits collectifs, internes aux usines, à force de persuasion et un coup de fil du gouvernement, ont obtenu l’ouverture des usines afin d’expérimenter les idées produites. Combiner proximité des matières premières, caractère recyclable et faible consommation d’énergie semblait une vraie gageure. Soudainement, sans que personne ne sache où cela a commencé, un nouveau paradigme s’est imposé : produire des biens modulables, réparables, recyclables, sobres en énergie dans une logique de permaculture. Ceci a suscité un enthousiasme sans précédent dans la population, en dépit de la grave crise que traverse le pays. 

Georges quitte la réunion après le temps convivial qui les clôture toutes. L’engagement des participants, la richesse des idées produites l’ont surpris. Il n’y a pas de petit savoir, l’ingénieure côtoie l’agent de maintenance, la caissière, la mécanicienne. Tous sont portés par un même élan. Alors qu’il rejoint le parking à vélo, Georges réfléchit au changement radical qu’a provoqué l’initiative de cette présidente. Il se surprend à penser « elle me ferait presque regretter de ne pas avoir voté pour elle.  »