22 Fév Point de vue

Récit imaginé par Alexandre Seban, Geoffroy Albert, Marianne Jouveliler, Artem Konovalov, Ksenia Wabnik, Céline Lopes et facilité par Christine Sausse dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 20 février 2024 en partenariat avec l’ADEME

Thème de l’atelier : Et si la France était neutre en carbone en 2050 dans le scenario 2 ?

Je suis George, clocher professionnel. Cela fait déjà plus de 4 siècles que je suis perché, depuis le coeur de mon village de Pont-à-Vendin. Pas un jour sans que je ne sonne. Jamais de retard, jamais d’oubli, et avec le sourire en plus. J’ai toujours une petite attention pour les gens: une lourde porte qui baille, une pierre d’angle qui rigole, un zinc qui chante. J’ai suivi avec délice des générations d’enfants et de rondes sur mon parvis. Les communautés s’agrandissent et prospèrent en mon sein. Je suis fier de mon village, fier d’être à la fois le père rassurant et l’humble témoin de mes habitants.

Pourtant ce matin quelque chose d’inhabituel me tracasse. Seul un gong sonne au lieu de deux. Comme si j’étais de travers. Cela semble perturber les gens autour de moi. On me regarde avec inquiétude et insistance. Il doit se passer quelque chose. D’habitude, à cette heure-ci les enfants courent dans les rues pour aller à l’école ; le fermier du coin rend visite aux restaurateurs pour les fournir en nourriture ; le boulanger vend ses baguettes, et des éclats de voix s’échappent des cafés solidaires, souvent plein à craquer le matin. 

Mais aujourd’hui, rien ne se passe comme d’habitude. Apparemment c’est une journée bancale . De plus en plus de monde m’observe et d’un coup, j’entends un enfant qui interpelle son père, et s´écrie :

“Oh mon dieu Papa ! Regarde le clocher ! On dirait qu’il va s’effondrer, comme les tuiles de notre coopérative après le passage de la tempête de cette nuit.”

Je regarde alors un peu plus attentivement tout mon village. Je me rends compte que beaucoup d’habitats participatifs ont perdu un morceau de toiture. Que le peu d’arbres qui avaient réussi à survivre jusqu’ici sont tombés. Je dois bien me rendre à l’évidence : une tempête s’est abattue sur notre village pendant mon sommeil. 

 Pour la messe, je sonne comme d’habitude mais aucun son ne retentit. Pourtant un grand rassemblement se trouve au cœur de mon enceinte. Les villageois savent se préoccuper de l’avenir de leur village. Chacun apporte des idées d’interventions et apporte ses compétences pour la reconstruction. Parmi eux, des intervenants de villages voisins épargnés par la tempête viennent naturellement apporter leur aide.

Je me rends compte que l’on va prendre soin de moi. 

Comme il y a deux ans et comme il y a dix ans aussi, lorsque j’avais plusieurs carreaux cassés. En moins de trois mois, je brille à nouveau. Je suis inébranlable. Une fois que j’ai mis mes fondations sur cette terre, j’y reste pour toujours, et mon village aussi. 

Les habitants vont nous ressusciter en utilisant les débris et nous rendant plus résistants aux tempêtes, tout comme leur société qui deviendra plus forte en travaillant ensemble face aux imprévus.