14 Mar Plus de poisson à Langouët
Récit imaginé par Pascal Branchu, Léa Chancelier, Gaby Desmartins et Nicolas Troudec et facilité par Morgane Personnic et Mathilde Guyard dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 21 février 2025 à Rennes en partenariat avec Alternatiba Rennes.
Thème de l’atelier : Et si en 2050 le béton n’était plus ?
“1er avril 2051. En ce jour de fête nationale où nous mettons le poisson à l’honneur, me revient cette discussion que j’ai eue avec Léa, il y a un an, sur le chemin du travail. Mes souvenirs se mélangent avec les sensations du jour : aujourd’hui, on va manger du poisson, et pas qu’un peu. Il y a un an, du poisson, que nenni. Il n’y en avait point. J’étais bien dégoûté. En plus, c’était la veille de mon union à durée déterminée avec Pétronille, mais,
évidemment, il y eut des bâtons dans les rouages de ce plan rondement mené. Pas de poisson, et je me rappelle que cette pénurie inattendue a été un véritable déclencheur, un domino qui a chuté dans une longue suite. C’est un torrent de frustration qui a déferlé sur la pauvre Léa. Je lui ai ressorti tous mes manques, tous mes désirs, tout ce que j’ai pu observer au musée du souvenir et qui, jamais, ne sera mien.
J’arrivais avec Léa sur le port. On a un peu attendu. Le chalutier est arrivé, et quelle déception en constatant que les filets étaient vides ! On a alors vécu la même situation que la semaine passée, même si l’espoir était revenu ces derniers jours. Les pêcheurs avaient des mines défaites, sombres. Ce qui les rendait sombres, ce n’était pas l’impossibilité de vendre du poisson, mais la peur de manquer de nourriture pour les familles du village. La rage m’a pris aux tripes : j’étais tellement déçu de ne pas pouvoir proposer du poisson pour
la cérémonie ! J’avais tant à cœur de montrer à Pétronille et à ma famille ce dont j’étais capable ! Quand je pense qu’il suffisait, en 2025, de commander sur un téléphone pour avoir un choix infini de poissons du monde entier, de plats sophistiqués ! Les larmes me montaient aux yeux. Léa avait remarqué mon émotion et me demandais pourquoi le simple manque de poisson m’affectais autant. Je lui ai raconté mon projet du lendemain et mes plans qui tombaient à l’eau. Je lui ai expliqué ma nostalgie des années 2020, de la facilité avec laquelle les gens pouvaient vivre.”
Les échanges entre Léa et Juste arrivent à un tournant. Les deux personnages ont contribué à poser et résoudre les questionnements. Arrive le moment nécessaire d’accorder le récit et de conclure cette rencontre, à Langouët en 2050. Juste fait état de la perturbation qui a fait digresser l’échange, au départ banal, mais qui est devenu viral pour lui. Son questionnement est devenu existentiel : comment vivre au mieux le moment présent sans se soucier de ses envies, émotions, désirs enfouis, qui altèrent la pleine jouissance de l’instant ?
Léa a su répondre, à sa manière, aux peurs de Juste sur son avenir, nourries par des craintes ressurgies du passé, par des bribes d’informations rapportées sur le monde d’avant, qui parfois allaient dans le même sens, mais qui, souvent, étaient contradictoires. Cela ouvrait chez Juste un fort questionnement sur la réalité des faits et sur son envie pressante de clarification, pour ne pas terminer l’histoire en queue de poisson.