La suave

Récit imaginé par Olivier, Mathilde, Eva et et facilité par Morgane Personnic dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 16 septembre 2023 en partenariat avec Anticipation Festival. photo de Chirag Saini

Thème de l’atelier :  Et si en 2050 nous avions bifurqué pour un futur neutre en carbone?

LA SUAVE

Ça y est ! C’est parti ! Le train démarre. Pfiou, pas toujours évident quand même le dispositif « à l’eau » se dit Noah presque en sueur en se calant dans son siège de fibres vivantes. Il faudra qu’il en parle lors de la prochaine assemblée de suivi. En attendant, il commence par vérifier que tout est OK. Il a déposé le colis dans le compartiment dépôt, récupéré le feuillet d’action et bien sûr pris ses affaires qu’il tient sur ses genoux : maillot de bain, serviette, bouquin, gourde et pique-nique. Voyons ce que j’avais à faire, se demande-t-il en dépliant le feuillet. Cool ! Juste la surveillance de la baignade de 15h à 17h ! Cela me laissera presque toute la journée ! C’est mieux que la dernière fois. Quand je pense que j’avais dû réparer tout un support de la plantation d’assainissement. C’est pas parce que je suis dans le bâtiment au boulot que je dois être dans le bâtiment à la rivière… J’ai bien fait de passer ce brevet de natation, conclut-il en respirant. Il regarde par la fenêtre les arbres et les clairières remplacer les rues et les immeubles dans une nuance de verts se communiquant au train. Il se sent bien. Je donne le colis à… comment elle s’appelle déjà ? Chloé, je range le panier et je file à la rivière ! pense-t-il quand une branche pousse de la paroi. « Mince », s’écrie-t-il en sortant de sa rêverie et en se levant. « Putain, je me suis trompé de colis découvre-t-il avec consternation une fois arrivé dans le compartiment dépôt. Le message affiché au-dessus de son casier est sans ambiguïté :

« Noah, le colis déposé n’est pas le colis attendu. A l’arrivée, dépose-le dans la boite « retour » et prends

contact avec Chloé pour trouver une solution. »

J’ai récupéré les passagers. Encore dans mon revêtement urbain, nous avons quitté Paris. Ils étaient stressés, je respire profondément pour gonfler l’habitacle et les oxygéner. 

Leur transition commence. Progressivement, mes écailles métalliques se muent en feuillage épais. Nous traversons les banlieues plus boisées, alors je laisse quelques sculptures branchage pousser sur les barreaux et poignées. Au toucher, c’est plus agréable pour ces citadins en voyage. 

Soudain, freinage sec, instantané. Problème sur la ligne, nous devons patienter. Ça s’agite, ça râle, profondes expirations pour calmer l’atmosphère dans les wagons. Je comprends, il fait chaud au travers des vitres. Le temps de patienter, les plantes humidificatrices se réveillent, laissant flotter un courant de fraîcheur. 

La voie s’est dégagée, nous pouvons reprendre notre transformation. 

Maintenant, en bonne route, je laisse le végétal s’imprégner et favoriser la transition. J’ai maintenant le temps d’analyser les colis déposés. Des engrenages pour M.MeulierD40. Des poudres floraisantes pour Mmd.Paturage360. De la lessive métacarbonate impossible à trouver chez l’épicier du coin pour M.Baliverne666. Toutes ces petites commandes pour les locaux apportées par les citadins sont délivrées. Ah… Excepté pour Chloé… Qui devait lui livrer ? Ah oui, ce Noah machin… Dans mon poumon 13 sur l’alvéole 88F. Je lui fais signe par branchage pour l’avertir de son erreur. Je ne sais pas comment il s’est débrouillé, c’est une commande super méga important, essentiel pour les baignades. En plus, ce n’est pas cool, Chloé prévoit toujours plein de paniers en échange. 

Nous arrivons, mon habit tagué s’est métamorphosé en carapace verdoyante. Je guide Noah par bourrasques de mon souffle vers le compartiment dépôt pour qu’il trouve une solution avec Chloé.

Noah arrive à la gare très embarrassé par son erreur, il s’avance vers Chloé qui s’apprête à monter ses chargements de fruits  et légumes et qui plusieurs allers et retours de son vélo au wagon. Ce wagon conçu avec tous ces casiers pour les remplir. Il lui explique  que stressé il s’est trompé de colis . Elle lui relève que le matériel qu’il devait lui livrer était indispensable à son activité. en effet, il s’agissait de filtres permettant l’assainissement  de la rivière qui irrigue ses champs et vergers. Déjà la rupture de stock de ce matériel l’avait retardé dans ses travaux. Chloé lui dit qu’elle a peut être une solution pour y pallier mais qu’il lui faut vraiment des bras pour l’aider; Elle lui demande ce qu’il »était venu faire de sa journée . Noah lui livre alors une part de vie de travailleur dans le bâtiment qui l’expose à de fortes chaleurs en ville; Il lui explique qu’il venait profiter de la campagne et surtout se baigner dans la Suave. Petite escapade qu’il apprécie épisodiquement pour se ressourcer. Chloé connait des plantes qu’il faut aller chercher dans les marécages et qui ont un pouvoir filtrant et qui pourront peut être pour un temps remplacer le matériel attendu. Noah se retrouve à mi -corps avec elle dans la vase a extraire ces plantes qu’elle lui apprend à reconnaître .Ils peinent à les arracher, c’est laborieux, ils sont pleins de boue. Ils en ont assez !

« Plein de boue pour la rivière  » dit-il en plongeant

« Tu viens? »