Y’aura-t-il des clémentines au Réveillon ?

Récit imaginé par Cécile Adrados, Flavie Cassam Chenaï, Ingrid Pinchot, Julien Marchais, et facilité par Carole Molères dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 20 octobre 2022.

Thème de l’atelier : « Et si la décroissance était notre quotidien ? Nous sommes en 2025. Les prix de l’énergie se sont envolés. Et pourtant… »


« Bonjour Mamie, comment ça va ? Bonne année déjà. Bon j’espère que ton réveillon avec papa et maman s’est bien passé. Faut que je te raconte le mien. C’était dingue ! Ca ne s’est pas du tout passé comme j’avais prévu. Je voulais rassembler une 10ne de potes qui habitent maintenant un peu partout en France et même pour certains en Europe dans ma nouvelle maison à Bois Sainte Marie. Tu sais l’habitat partagé pas très loin de ton EPHAD que je t’ai montré en photo mais que tu pourras bientôt venir voir en vrai j’en suis sûr. Ils ont tous répondu présents même mon pote de Corse Ayoud et mon amie Anna de Berlin, j’en revenais pas. Ils m’ont tous répondu super vite : « Impossible de rater le réveillon de Gégé !! Ils avaient tous trouvé le moyen de venir grâce à la ligne de TER qui existe maintenant entre le village et Lyon et au nouveau train de nuit de Berlin. Franchement j’étais super contente et excitée à l’idée de ce melting pot. J’avais prévu de faire ta super recette végétarienne aux choux accompagné d’une soupe de potimarron servie avec des châtaignes grillées et d’un gâteau à l’orange. Tout cela provenant de ma production personnelle, bien sûr. Franchement tu aurais été super fière de moi mamie !! Mais c’était sans compter le réchauffement climatique qui a complètement chamboulé mes plans !

J’étais tranquillement en train de regarder le potager qui, comme tu le sais, a particulièrement bien donné cette année : tomates et courgettes cet été, courges et choux depuis peu. Une brise glaçante a effleuré mon visage. Normal pour la saison, me diras-tu ! Pourtant, un mauvais pressentiment m’assaillit et un frisson traversa mon dos. J’ai rapatrié mon chat et mes chiens à l’intérieur. Quelle intuition ! Quelques minutes plus tard, le vent s’acharnait contre les arbres et mes volets tapaient contre les murs de la maison. C’était trop tard pour les attacher. Tac tac tac…. Je me suis retrouvée sans lumière, éclairée par les éclairs qui fendaient le ciel. Une vraie tempête ! Cela ressemblait à un mauvais film du début du siècle ! La pluie s’est mise à tomber, emportée par des rafales violentes. Tout à coup, j’ai pensé au repas : tout allait être détruit ! Moi qui espérais que ce serait une belle fête et qui avais mis tant de soins dans les préparatifs… La tempête a duré à peine 15 minutes mais cela m’a semblé une éternité : j’espérais que le toit tienne et que mes réserves alimentaires ainsi que mon potager survivent, surtout dans la perspective de ce nouvel an…

La tempête, d’une ampleur jamais observée sur la France, a mis par terre toutes les pans de l’activité : la circulation sur rail et sur route a été bloquée un peu partout sur les réseaux, les récoltes hivernales ont été perdues et, comme tu le sais, nous avons depuis de nombreuses coupures d’électricité.

Mais comment allions-nous faire pour tous nous retrouver à Bois Sainte-Marie ? Comment mon ami Ayoub, qui devait nous apporter les excellentes clémentines de Corse, allait-il pouvoir venir ? On s’en régale chaque année, mais cette fois-ci toute la récolte est ravagée ! Et puis, un réveillon sans lui et la musique chaleureuse qu’il tire de son Oud, ce n’est pas un réveillon ! Enfin, comment allions-nous pouvoir cuisiner ? Où trouver les ingrédients ? Et l’énergie pour faire fonctionner notre four low-tech ! Même si nous sommes équipés sobrement désormais, il nous faut un minimum d’énergie que les panneaux solaires n’apportent pas cet hiver !

En discutant avec les voisins pour savoir s’ils avaient des solutions de repli, j’ai découvert que pour la plupart, leurs invités ne pouvaient pas les rejoindre non plus. En blaguant, certains m’ont dit qu’ils allaient se retrouver à manger leurs réserves, froides à cause de la coupure d’électricité, et seuls dans leur salon.
Je me suis souvenu qu’il y a une salle communale au village, où il y a une grande cuisine qui a été aménagée l’an dernier et qui fonctionne au feu de bois. J’en ai parlé à mes voisins pour leur suggérer d’aller au moins faire réchauffer leur repas là-bas, et l’un d’entre eux m’a alors proposé qu’on se partage nos réserves pour avoir un peu plus de variété.

Sur le trajet, nous avons rencontré d’autres villageois qui étaient aussi désespérés de voir leurs fêtes de fin d’année ruinées par la tempête. On leur a proposé de se joindre à nous, et arrivés à la salle communale, nous devions être une bonne vingtaine, et il y en avait même certains que je ne connaissais que de vue !

On a fini par se faire une bonne tambouille, tous affairés à la cuisine, et on a tous découvert un aliment qu’on ne connaissait pas ou un plat nouveau ! Jean-Claude nous a même joué de son accordéon, et Samira l’a rejoint à la guitare !

C’était finalement de très bonnes fêtes de fin d’année, ça nous a permis de nous rencontrer, nous connaître, et de passer un super moment convivial !

La prochaine fois, Mamie on le fait dans ton Ephad avec tout le village ça va être génial !