04 Sep Voyage autour de l’arbre
Récit imaginé par Vincent Dupont, Laurent Mallet, Kihi Tuiho, Romain Vidal et facilité par Thuy-Lan Gimbre dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 04 septembre 2024, Parcours CEC Pacifique.
Thème de l’atelier : « Et si en 2050, nous avions créé de nouvelles alliances avec le vivant ? »
Je m’appelle Jean, j’ai 56 ans et je suis chaman. Ne me demandez pas pourquoi ni comment, ce serait une trop longue histoire.
Je suis parti depuis de nombreuses années de mon île pour voyager, poussé par une irrésistible envie de voir la terre, voir les continents et leur immensité, moi qui ai grandi sur un atoll minuscule perdu au milieu de l’océan Pacifique.
Je me rappelle le jour de mon départ, quand j’ai embrassé ma famille et regardé une dernière fois le village, ses maisons et ses arbres, avant d’embarquer pour Papeete et parcourir le monde.
Je crois avoir fait le tour de la terre, à peu près. J’ai traversé les pays du monde et j’ai pu voir à quel point la terre avait changé, elle s’était rétrécie et refermée sur elle-même comme pour se protéger de l’humanité qui l’avait abusée. La nature s’est appauvrie, les animaux sauvages ont quasiment disparu, les oiseaux de ma jeunesse aussi.
Mais la terre se rétablit petit-à-petit, il y a de l’espoir, et on peut penser que l’humanité a réussi à se reconnecter avec le Vivant.
Me voici de retour aujourd’hui dans mon île et mes premiers pas m’ont emmené sur la place du village où il ne reste plus qu’un seul arbre, mon arbre.
Je posai alors mon sac de voyage et m’assis tout contre l’Arbre. « Enfin chez moi » pensai-je en soupirant de joie alors même qu’un grand frisson de bien être me traversait. Doucement j’ai levé la tête, respirer profondément et lever les yeux vers le ciel…
Le bruit du vent dans les branches chantait une mélodie comme celle qui me berçait jadis. Le soleil étincelait au travers d’un branchage majestueux et mystérieux. Un sentiment de paix et de plénitude m’envahissait peu à peu. Tous mes souvenirs d’enfance me revenaient comme si c’était hier. Tout le film de ma vie défilait. Qu’il était bon de retrouver ses racines…
Ma main était sur l’arbre et son écorce bien que rugueuse, ravinée par les années, me semblait douce et complice. Je le sentais vivre et me sentais revivre. Naturellement je me mis à lui confier mes secrets et lui conter mes aventures, mes expériences comme je m’y étais engagé juste avant mon départ… dans le cadre d’un pacte « sacré ».
C’est alors qu’un enfant intrigué par la scène est venu s’assoir auprès de moi en me demandant ce que je faisais là, sous cet arbre, à lui parler. Passionnément j’ai commencé à lui raconter mon voyage, mon histoire et celle de l’Arbre … et lui expliquer qu’il était mon confident depuis toujours : il m’avait vu naitre, faire mes premiers pas, donner mon premier baiser, pleurer à la mort de ma mère, de mon père …
Aussi, une fois fini mon récit, quelle ne fut pas ma surprise quand il m’annonça que l’Arbre devait être couper le lendemain pour faire place à un parking.
À la suite de cet imprévu que je n’avais pas imaginé, j’ai fait part à la communauté ce que cet arbre ancestral avait apporté au village ainsi que les bienfaits spirituels grâce à son énergie. Il m’était inconcevable que cet arbre soit sacrifié. Je leur ai communiqué mon histoire, mon vécu afin de les persuader de garder cet arbre, le point central de notre village. En se connectant à cet arbre, nous percevons des informations subtiles qui nous aidait à rester dans la paix et l’harmonie.
Respecter le vivant et ce lieu de rassemblement qui permet de transmettre notre culture, notre connaissance et notre savoir. Cet arbre était là avant ma naissance et sera là après ma mort sauf si la communauté décide de l’abattre. Je pense que j’ai été persuasif car le lendemain matin en me levant, j’ai constaté que l’arbre ancestral était toujours là et que les habitants avaient en plus planté d’autres arbres pour que la connaissance et la paix puissent à jamais se transmettre et perdurer.
Ainsi, après avoir bataillé pendant un certain temps, j’ai pu persuader l’ensemble du village de sauver cet arbre. La population a été charmée et enthousiaste face à mes découvertes et rencontres. Nous nous sommes tous réunis pour planter d’avantages d’arbres dont les essences sont précieuses comme du miro, du tou, du Kahaia, du aito que j’ai ramené de mon voyage en pirogue. A présent, le village continent une végétation riche qui abrite de nouvelles espèces d’oiseaux, d’insectes, d’animaux.