Vive l’agro-sylvilisation

Récit imaginé par Céline BOUTEYRE, Marion FROTIN et Jean-Guillaume DEFRANCE facilité par Marie-Luce STORME dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 1er mai 2022, en partenariat avec Printemps écologique et Ouishare, au titre des Rencontres de l’écologie et du travail et portant sur le thème « se reposer », dans le contexte du scénario 1 de l’ADEME, « génération frugale ».

Thème de l’atelier :  Et si demain, la place du travail participait à une société juste et écologique ?  


Ah, qu’elle est belle notre agro-forêt, sous le soleil de ce début mai !
J’espère quand même qu’il va pleuvoir dans les prochains jours car la nappe phréatique est au plus bas. Enfin, ce qui me préoccupe le plus aujourd’hui c’est la venue de l’inspectrice du travail. Tiens, la voilà justement qui arrive sur son vélo de fonction, pour son déjeuner avec la délégation du personnel.

Philippe travaille en effet dans une entreprise d’agroforesterie, AGRO SILVA créée en 2030 en bordure de Melun. Elle fournit la région en fruits et légumes frais. Au fil des années, la forêt s’est agrandie, mais les défis climatiques, organisationnels et humains aussi.
Et si Philippe est inquiet, c’est que le nouveau projet porté par la Direction, soit l’achat d’une centaine de drones de surveillance, fait l’objet d’une fronde de la part du personnel. Ces drones, innovation technologique de la firme américaine Blaga, permettront de renforcer la surveillance des différentes plantations, des maladies, de l’hygrométrie… et de planifier des actions de prévention et de correction. Un seul drone pourra ainsi remplacer l’action de 3 salariés.

La direction a bien argumenté de l’importance de cet investissement pour la survie économique de l’entreprise, et au regard des enjeux climatiques de plus en plus importants qui imposent une surveillance accrue des plantations (maladies, sécheresse…).

14h, c’est l’heure, la réunion démarre.
L’inspectrice, Annabelle, à peine arrivée dans la salle de réunion, prend la parole :.
« Alors voilà, je voulais vous faire part de mon opposition à votre projet en l’état, et je vous propose de prendre le temps, ensemble, de bien mesurer les impacts de ce que vous proposez et d’identifier des solutions alternatives. En effet, vos salariés m’ont fait part de leurs craintes quant aux impacts sur la nature de leur travail, ils n’ont pas envie de se retrouver derrière un ordinateur à suivre les ordres d’une machine. Sans parler des possibles suppressions de poste ou de non-remplacement. »

Philippe, 65 ans, a passé 40 de sa carrière dans cette entreprise. C’est un de ses derniers projets et il a envie que ce soit une réussite. Il propose alors, en concertation avec les représentants du personnel présents ce jour-là, d’organiser deux journées de réflexion collective et collaborative et d’inviter l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise, les consommateurs, les acheteurs et même les membres des familles des salariés, les habitants des environs qui bordent la forêt. Et de trouver ensemble une solution qui permette de renoncer à l’achat de ces drones et de favoriser l’activité humaine sur les terres. Ces journées-là sont prévues pour le mois de juin, au moment du solstice. Ce sera l’occasion de faire une belle fête tous ensemble.

A l’issue de ces deux journées, l’inspectrice du travail est conviée pour un repas et découvre avec émerveillement qu’une solution vraiment parfaite a réussi à émerger. Finalement, c’est la création d’une association qui voit le jour, réunissant l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise.
Philippe se voit attribuer un nouveau poste. Cette fois-ci il n’est plus responsable de l’articulation des temps de travail entre les hommes et les robots, ce qui aurait été son futur poste si l’achat des 100 drones avait été réalisé. Il est maintenant chargé de la répartition du temps de travail entre les salariés et les bénévoles de l’association, bénévoles qui sont très nombreux à s’être manifestés. Ils sont plus d’une centaine. Des voisins, des enfants des écoles, des étudiants de la fac pas loin, des salariés des entreprises environnantes vont venir quelques heures par semaine. Chacun parcourra les plantations, vérifiera la présence des limaces, des traces de champignons sur les plantes et portera les actions correctrices lorsqu’elles seront nécessaires.

Tout le monde trinque avec joie à l’issue de cette journée..