Une vie de gland

Récit imaginé par Lyssia, Elodie, Aude et Nathan et facilité par Lauriane dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 25 août 2023, dans le cadre du Camp Climat de Nantes

Thème de l’atelier :  Nous sommes en 2050. L’eau est devenue un bien commun inappropriable et d’appartenance collective. Nous aurons appris à la protéger et à en user avec sobriété.


Encore une chaleur étouffante aujourd’hui. Certains s’en plaignent… Moi, j’adore ! Déjà parce que sous ma colline, j’ai accès à une pépite. Ma petite nappe souterraine. De l’eau de compétition. La paillette de la boisson. Ça fait de moi le plus haut et le plus beau chêne d’Arbois et peut-être même de tout le Jura.

Mais j’aime surtout ce soleil accablant car il fait de moi « The tree to be » pour avoir de l’ombre. C’est donc souvent dans ces moments que je peux passer du temps avec ma famille et surtout ma petite préférée : Anna, 13 ans et passionnante !

Je l’adore mais je n’ai pas eu besoin d’elle pour m’amuser. Ces humains sont fascinants. Ils peuvent être cons comme des ronces, comme il y a 20 ans lors de la guerre civile du papier toilette et des bouteilles d’Evian. Comme si cela avait la moindre importance de se torcher le cul avec des feuilles d’arbre transformées.

Mais en ce moment, je les trouve plus malins, plus heureux, mieux organisés… Ils me ressemblent un peu plus, ne serait-ce que par leurs activités et centres d’intérêt. J’aime quand ils étendent leurs bras au soleil ou viennent danser sous la pluie. Ce que je préfère, c’est quand ils viennent à mes pieds me confier leurs secrets. De toute façon, on ne peut rien me cacher.

Par exemple, aujourd’hui ce bon vieux Léon est décédé et a été enterré à mes pieds. Je vois Anna arriver vers moi, une mallette de cuir à la main. Elle est triste mais ses yeux brillent de curiosité de découvrir ce que son grand-père lui a légué. Elle ne va pas être déçue !

Elle en sort un nœud papillon, un carnet de notes, une fiole en verre et une lettre. Elle lit la lettre :

« Ma chère Anna, tu trouveras dans cette malle mon héritage. J’ai gardé cette fiole pour toi. Elle contient l’eau de la cascade des Tufs. Tu trouveras tous les détails dans mon carnet. Il est temps pour moi de me confier à toi et de me libérer. »

Très fort en teasing le Léon. Je pense que la gamine ne pouvait pas rêver meilleur héritage. En tous cas, moi, je suis enraciné aux premières loges pour profiter du spectacle. Chut le piaf, la gamine commence sa lecture :

2030 – Les forêts brûlent et l’eau de la cascade est presque tarie. Je vais recueillir une centaine de bouteilles.

2033 – Il y en a marre de toutes ces restrictions imposées par l’Etat ! Je pose une brique pour entamer une révolution.

Pour la petite histoire, le Léon, par poser une brique, il voulait dire faire caca. Et la partie révolution ? Il a fait ça dans un seau rempli avec 4 bouteilles d’eau potable. Dans vos faces, les écolos !

2035 – L’eau potable est introuvable. Le goût est abominable. C’est la guerre de l’eau. Je trouve des contacts au marché noir. Mes bouteilles valent une fortune.

2038 – Fin de la guerre. L’eau devient un bien commun. Il me reste encore 5 bouteilles, je cherche des acheteurs pour sécuriser l’héritage de ma famille.

Juin 2038 – Naissance d’Anna.

Mon Léon est devenu un homme âgé mais c’est à ce moment qu’il a réalisé que tout irait bien, et que sa famille est finalement heureuse et dispose de ce dont elle a réellement besoin.

2041 – C’est incroyable, depuis 1 an, l’eau est revenue à la cascade !

J’avais vu Léon verser une larme de joie. Il pourrait la récolter dans une fiole, hahaha !

A la lecture du carnet de ce filou de Léon, je vois Anna devenir tour à tour rouge de colère, muette de stupéfaction « Il a vraiment fait ça ? » et triste de réaliser les difficultés qu’ont vécu les gens lors de cette transition dans la gestion de l’eau. Je la comprends, j’ai tout vu, je pourrais lui raconter !

Il avait aussi de bons côtés, Léon : il a aidé une famille de réfugiés climatiques qui passait dans la région. N’est-ce pas le frêne ? Tu les as vus, toi aussi. Et il a beaucoup aidé la forêt. Cela réchauffe le cœur de ma petite Anna de lire ça. Ça y est, elle a fini de lire le carnet, elle le referme.

Elle se penche donc sur la fiole si précieuse de son grand-père. Sur un coup de tête, elle se décide à l’ouvrir, la sentir… et elle la boit.

« Pfffffft ! »

Me voilà ravi d’être arrosé à mes racines en cette journée si chaude ! La petite téméraire a recraché le contenu directement avec un cri d’étonnement et de répulsion. « Mais qu’est-ce que c’est que ce goût ? ». Pas étonnant que ma petite préférée reste interdite avec ce trésor incompréhensible.

L’eau, c’est comme la vie, c’est meilleur aujourd’hui…