Une famille en pleine (dé)croissance…

Récit imaginé par Armel Prieur, Nicolas Todorovic Nathalie Mezza et facilité par Delphine Weiskopf dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 14 octobre 2021 en partenariat avec Génération Ecologie.

Thème de l’atelier:  Nous sommes le 3 novembre 2026. Depuis bientôt 5 ans, la France mène une politique décroissante planifiée, volontaire et salutaire. Et si nous imaginons le quotidien de citoyen.ne.s dans ce futur proche ? 


« C’est toi qui y gagnes le plus avec la décroissance ! » s’exclame Emma en s’adressant à sa grande sœur Stéphanie. 

Les trois enfants de Michelle et Norbert sont réunis pour fêter les 55 ans de Michelle autour d’un bon cassoulet peu carné dans leur petite ville de Lacaune ce 3 novembre 2026. Les voilà partis en balade digestive dans la forêt de Sidobre, une des plus belles du Tarn, et ça discute sec…

« Moi je m’interroge sur mon métier de taxi, dit Emma, j’aimerais bien de me former au maraichage, mais d’un autre côté, le taxi est de plus en plus demandé par les gens qui ont arrêté d’avoir une voiture, surtout depuis que nous proposons le service collectif. Avec l’application CoTaxi on supplante de plus en plus notre concurrent Blablacar dont le modèle startup-capitaliste a fini par lasser….. »

Stéphanie répond à Emma « Oui je suis contente, mon activité de couturière en vente directe a été bien stimulée par la demande de vêtements solides et locaux. Et en plus, j’ai toujours aimé ça … Mais c’est pas la décroissance de boulot, je n’ai pas beaucoup de temps à moi. » elle rit jaune en disant « alors à quand le grand amour pour moi ?… »

Lucas, leur petit frère étudiant en médecine, intervient dans la discussion : « Le grand amour, le grand amour… c’est bien beau, mais n’allez pas nous faire tout un tas d’enfants qui vont souffrir du réchauffement climatique ! Il faudrait qu’une loi soit proposée aux citoyennes et citoyens pour une décroissance démographique ! » 

Michelle le coupe « « Décroissance ou pas, moi ce que je veux c’est une belle famille, avec des petits-enfants ! » Elle poursuit :« Franchement, c’était quand même plus facile avant, on ne se posait pas toutes ces questions. Je sais que ça fait un peu vieux de dire ça, mais il n’y a même pas dix ans, on avait tout à portée de mains ! Le même article existait en 12 couleurs, 15 versions, on sortait faire du shopping, et ça coûtait si peu cher… de temps en temps je regrette un peu. »

« En fait on n’a pas le choix maman ! » répond Lucas « C’est pas possible de continuer d’idéaliser le monde complètement insoutenable dans lequel on vivait !  Et personne ne peut dire qu’on ne savait pas !  Donc franchement, il faut faire avec le monde tel qu’il est aujourd’hui. On a un peu moins de choix qu’avant. Et moi je fais celui de ne pas avoir d’enfants !»

Emma renchérit : « Maman, tu sais aujourd’hui, avec toutes ces questions sur mon avenir, je ne suis pas sûre non plus. Est-ce si nécessaire d’avoir des enfants ? Je crois qu’il est plus important d’apprécier ce que l’on a et de vivre l’instant présent« . 

Norbert rappelle qu’il a eu chaud lors de la fermeture du sous-traitant aéronautique où il était employé de logistique depuis plus de 20 ans. « Souvenez-vous des longues nuits d’inquiétude, le retour en formation et en stage, puis enfin l’usine de vélos qui a remplacé mon ancienne activité. Au final je ne me plains pas, j’y ai même gagné : je travaille pour que tout le monde puisse rouler à vélo ! » Il conclue « Alors je comprends que cette situation de transition créé des incertitudes, comme moi à l’usine il y a 3 ans, mais vous avez le temps de changer d’avis sur la question des enfants ! »

 « Arrête, dit Lucas, tu sais bien que nous allons être trop nombreux sur terre ! »

Les regards se portent sur Stéphanie : « Bon alors un seul enfant, tu serais d’accord ? qu’en penses-tu Stéphanie ? »

« Rester dans les limites planétaires, Moi je ne demande pas mieux » réplique-t-elle en souriant, « Il ne me reste plus qu’à trouver un compagnon à la fête de la nouvelle région ! »