Un bon conseil

Un bon conseil

Récit imaginé par Emilie Wartel, Marine Calmet, Frédéric Pitaval, Martin Holstein et facilité par Fiona Gamer dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 08/11/2021 en partenariat avec Désobéissance fertile.

Thème de l’atelier:  Et si demain le Vivant disposait véritablement de droits? Comment nous habitant.e.s de la Terre, les ferions nous vivre?


Chers procaryotes, chers eucaryotes, chers microbes, chers végétaux, champignons, animaux, vertébrés et invertébrés, nous sommes rassemblés aujourd’hui pour une raison bien précise : faire un point d’étape sur la destruction du talus de l’amont du ruisseau et ses conséquences pour nous tou·te·s. J’invite chacun·e d’entre nous à se pencher sur ce que cet évènement a signifié pour lui ou pour elle. 

La parole est au Bourdon : Pour moi, la destruction du talus a été une bénédiction : pensez, au lieu d’un étang vaseux et d’un champ de blé stérile, sans l’ombre d’un coquelicot, je navigue désormais au-dessus d’une grande étendue humide. Quelle merveille ! c’est un tapis d’orchidées et d’ail des ours jusqu’à l’infini. Il y a bien quelques plantes carnivores, mais je ne m’y laisse pas prendre. Et puis chacun doit payer de sa personne. Par contre j’aurais préféré qu’on évite de relarguer toutes les cochonneries qui dormaient dans la terre du talus. Honnêtement, une belle zone humide comme ça ne mérite pas un tel traitement. Le vivant a fait ici la preuve de sa vigueur mais on pourrait certainement faire mieux et nettoyer ce sol. Il nous faudrait bien une action déterminée des champignons et des bactéries, et puis est-ce qu’un ou deux grands herbivores pourraient nous apporter quelques graines ? Vous savez, ces plantes dépolluantes qui aiment les métaux lourds. Les bipèdes en ont mis sur l’ancienne station service, j’ai repéré ça à dix minutes de vol vers le sud-ouest. Bien sûr, je me ferai un plaisir de polliniser tout ça avec ma petite famille.

La parole est au Ruisseau : Je m’infiltre partout où l’espace me le permet, quelle joie de pouvoir prendre ma place là ou elle est nécessaire grâce à l’abandon de cette digue !  Préparons – nous ensemble à réinvestir l’espace pour que je puisse continuer : à ruisseler et communiquer avec chaque racines, dont les tiennes chère arbre centenaire, à connecter nos zones humides pour faire vivre la biodiversité des reptiles, amphibiens, des poissons et des invertébrés, du bois et de l’être humain.  Préparons-nous à me voir réapparaître en tant que rivière. Préparons-nous à voir la vie se déverser à nouveau autour de nous. 

La parole est au Champignon :  Les fongicides remis en suspension lors de la destruction du talus ont engendré des destructions massives dans nos communautés nous empêchant d’assumer notre rôle au sein de l’écosystème rappelant à tout·e·s, s’il en était nécessaire,  notre rôle central. Cependant, grâce à nos mycorhizes enchevêtrés sur des dizaines de kilomètres nous avons pu faire appel à des forces nouvelles. Le vieux chêne à ainsi pu nous fournir l’énergie nécessaire à notre renouvellement, le ruisseau assurer l’humidité propice à notre régénération, la microfaune à notre multiplication et ainsi nous avons pu en retour permettre de ré-enclencher les processus de minéralisation et d’humification indispensable au retour de l’ail des ours, trop longtemps absent,  et au bourdon de revenir folâtrer dans ses fleurs blanches.  Tous unis et tous nécessaires.

La parole est au Vieux-Chêne :  La destruction du talus et l’érosion des berges du ruisseau a menacé mon équilibre et mes racines se sont retrouvées nues. Alors que sous ma souche, des centaines d’années, la terre s’était trouvée protégée et que des générations de rouges gorges, de fourmis, de scarabées licornes, et d’écureuils avaient profité de ma splendeur, le grand bouleversement qui advint nous força à réagir. Mes droits de vieux chêne ne sont pas semblables à ceux des autres vivants, les nomades. Je ne peux me satisfaire d’une compensation pour la disparition de mon socle. Avant que les premiers signes de ma sénescence ne soient apparues, il vous appartient donc tous collectivement de remédier aux dangers qui viendraient mettre à mal la préservation de mon droit à plonger mes racines dans une terre riche et à bénéficier d’une source d’eau saine sans souffrir des actions humaines.  

Merci à chacun·e de vous d’avoir pris la parole et de contribuer à l’amélioration de cette situation. La parole humaine ayant été tue pendant de nombreuses années, au vu de votre engagement sans faille, inconditionnel, nous pouvons observer que notre engagement à vos côtés depuis 10 ans renforce nos liens d’interconnexion.C’est en remplissant nos rôles respectifs que nous assurerons ensemble la transmission de conditions de vie favorables/propices/ possibles aux procaryons, eucaryons, microbions, plantules, spores, animalcules qui nous succèderont.