L’eau est une ressource comme le temps

Récit imaginé par Alexandre Massiot, Célia Vezinet, Bastien Gerard, Sabria Charraf et facilité par Läetitia Bielka lors de l’atelier futurs proches réalisé avec Bordeaux Bascule, le 12 décembre 2020.

Thème de l’atelier: « Imaginez un monde où chacun pourrait avoir plusieurs activités. Comment cela pourrait-il redéfinir notre économie et notre relation au travail et aux autres? Vers un Neo Homo Economicus ? »


Le 4 février 2050

Chère Valentine, 


J’ai appris dans le journal que depuis le mois dernier la ville de Bordeaux impose des restrictions d’eau aux Bordelais. Toi qui te questionnes depuis toute petite sur ton histoire familiale et le contexte géographique de ta ville, tu me demandais le mois dernier pourquoi j’ai quitté Bordeaux il y a maintenant 30 ans. A  la mort de ton grand-père, ça a été comme un électro-choc : j’ai tout remis en cause : la ville, mon travail et même ma famille.

J’étais partie pour faire une pause dans ma vie et finalement cette pause est devenue ma nouvelle vie. J’ai découvert un nouveau mode de vie dans un éco-village près du Massif Central. Là-bas, tout est facile et complexe à la fois. J’étais menuisière quand je suis partie de Bordeaux. Du bois, je suis passée aux plantes. J’ai appris à cultiver ma propre nourriture. On m’a enseigné les secrets et les bienfaits des plantes que je sais reconnaître et faire grandir.Je me sers aujourd’hui de ces connaissances pour soigner les autres. Plus les jours passaient, plus je gagnais en compétences, plus je me reconnectais à la nature, à moi-même, aux autres : plus je me sentais vivante. Impossible de revenir en arrière, malgré le deuil de ton grand-père, une partie de moi renaissait.

J’ai échangé mes compétences avec les membres des éco-villages. C’est incroyable d’échanger avec tant de monde, d’âges, d’origines et de métiers différents ! Je me sens si nourrie par ces rencontres, un vrai bonheur ! D’ailleurs, en tant que naturopathe, un des mes patients m’a appris la permaculture. Grâce à ses conseils et sa formation j’ai pu faire pousser de nouveaux légumes. J’ai aussi pu réaliser, avec l’aide d’un ingénieur et d’un expert agronome un nouveau type de compost en bois permettant de transformer les déchets en terreau pour faire pousser encore mieux mes légumes. Tu vois ma Valentine, rien ne se perd tout se transforme…

Je vais maintenant d’éco-village en éco-village, et, dans chacun d’entre eux, tout a été pensé pour qu’il soit résilient. La résilience c’est comment apporter de la certitude dans notre monde désormais si incertain. Et pour cela, nous pouvons compter sur la Nature et notre harmonie avec elle.

Ici les puits sont pleins. Le cycle domestique de l’eau que nous avons su instaurer nous assure un apport continu de cette ressource si précieuse. Nous prenons l’eau du puits. Nous l’utilisons sans jamais y introduire de produits chimiques. Ainsi, nous pouvons la remettre dans son milieu naturel. Un système de filtrage par les plantes la rend de nouveau potable et elle retourne au puits. De plus, les plantes ont besoin de peu d’eau car les graines sont adaptées au milieu sec. Cela nous permet d’avoir une gestion raisonnée de cet or bleu.

Chacun à notre niveau, nous pouvons agir et trouver des solutions. Imagine ce que tu peux faire avec l’eau dont tu disposes. As-tu réellement besoin de 50 litres tous les jours ?  Prends cela comme une opportunité pour développer de nouvelles choses, pour faire différemment car, au final, c est une belle opportunité qui s’offre à toi ! Parles en autour de toi : ta maman, tes amis… On y arrive plus facilement à plusieurs !

Aujourd’hui nous vivons dans un monde ultra spécialisé où chacun a un grand domaine de compétence et est vulnérable sur tous les autres aspects de sa vie. Si j’avais quelques conseils à te donner vis-à-vis de cette période angoissante:   
– Fais de cette restriction de l’eau, une opportunité, une école de la sobriété, une reconnexion à la notion des communs. Savoure chaque litre comme une chance. L’eau comme le temps est une ressource qu’il faut agencer et gérer au mieux pour le bien-être de l’humanité       
– Cultive la multi-activité, elle est mère de l’autonomie et de la résilience. Ne cesse jamais de rêver, d’imaginer ton présent et ton futur: le monde manque cruellement d’utopie, n’oublie jamais qu’il s’agit bien de l’irréalisé et non de l’irréalisable.

Ta grand-mère qui pense fort à toi

Utopia

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