Permis de badger

Récit imaginé par Edith PETESQUE, Julie CHAMBONNIERE, Vinciane TRICOIRE et Benjamin KONNERT et facilité par Vanessa WECK dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 1er mai 2022, en partenariat avec Printemps écologique et Ouishare, au titre des Rencontres de l’écologie et du travail et portant sur le thème « se reposer », dans le contexte du scénario 2 de l’ADEME, « coopérations territoriales ».

Thème de l’atelier:  Et si demain, la place du travail participait à une société juste et écologique ?  


Une matinée d’été, le soleil ne s’est pas encore levé. Le réveil vient de sonner 5h. Je m’habille et j’enfourche mon vélo pour me rendre au potager de Pantin pour m’acquitter des tâches qui m’occupent quotidiennement : refaire une clôture, labourer un champs, récolter les fruits et légumes. En cette saison, c’est le seul moment de la journée où le travail en extérieur est supportable.

A mon arrivée, j’avance mon badge devant le lecteur – un geste qui me ramène systématiquement 30 ans en arrière quand je travaillais encore à la BNP dans les Grands Moulins de Paris. Ce rituel quotidien est enraillé : la badgeuse produit un son dissonant, signe que je ne vais pas pouvoir enregistrer le début de mon service coopératif. Étant donné que j’avais prévu aujourd’hui de finir plus tôt pour organiser la fête d’anniversaire des 16 ans de mon fils Simon, je remonte rapidement sur mon vélo direction la Maison communale.

Béatrice, la responsable de la gestion du travail collaboratif au sein de la commune, heureusement est déjà là. Je lui expose mon problème. Elle m’explique qu’elle ne va pas pouvoir me le changer. En effet, les approvisionnements en aimant de terres rares sont interrompus en raison de pénuries qui touchent toute l’Europe occidentale. Ce n’est pas la 1ère fois que ça arrive. Béatrice m’informe avec un léger embarras que l’assemblée communale a décidé de mettre en place désormais une pointeuse manuelle. Les bras m’en tombent… nous en sommes donc là ! Je ne peux m’empêcher de me dire : pour progresser, doit-on donc accepter de revenir en arrière ?

Tandis que Béatrice me raconte tout cela, mes pensées me ramènent à nouveau à cette époque de pleine abondance, où j’étais cadre commercial dans une entreprise multinationale. Ceci étant, je n’échangerais pas ma vie actuelle pour revenir en arrière : des semaines de 50h, une vie stressante, 2h de transport collectif par jour… Cette période où j’étais abonné aux livraisons Ubereats me paraît aujourd’hui surréaliste.

Finalement, la vie collaborative a plus de prix que l’abondance technologique. Elle me permet de ne plus travailler que 20h par semaine, tandis que le reste de ma semaine est partagé entre loisirs et activités coopératives. Mes heures au potager servent la souveraineté alimentaire de Pantin, tandis que mes petits-enfants peuvent être gardés à la garderie communale.