Maeva et la grande panne

Récit imaginée par François Castandet, Christiane Lellig, Frédéric Galler, Grégoire Fesneau et facilité par Marie-Luce Storme dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 18 novembre 2021 en partenariat avec Génération Ecologie.

Thème de l’atelier : Nous sommes le 3 novembre 2026. Depuis bientôt 5 ans, la France mène une politique décroissante planifiée, volontaire et salutaire. Et si nous imaginions le quotidien de citoyen·ne·s dans ce futur proche ? 

Photo by Zach Lucero on Unsplash


Mon cher Mamadou, 

Cela fait maintenant une semaine que je suis dans cette école à Paris. Les Français pensent que c’est une école super spéciale avec un jardin et un potager, mais en fait c’est un peu comme chez nous dans le village. Sauf qu’il fait froid ! Ici, c’est la saison des citrouilles (ça ressemble aux calebasses de chez nous). Halloween vient de passer. Ils ont fait des têtes énormes avec des citrouilles. Ils ont fait des fêtes énormes, tout le monde faisait des photos avec des téléphones et se les partageait sur des applications ou des réseaux. Leur téléphone fait tellement partie de leur quotidien. 

Par contre depuis ce matin, c’est la panique, plus rien ne marche. Les parents qui avaient l’habitude de venir en vélo ou en trottinette électrique ont dû venir à pied ou à vélo. Tout le monde courait dans tous les sens, même le cuisinier de la cantine qui ne savait plus quoi faire à manger. On a dû attendre notre professeur qui a dû arriver à pied. 
Finalement quand notre professeur est arrivé, il nous a expliqué la situation : il y a une grande panne d’Internet. Comme d’habitude toutes les informations passent par Internet, on ne sait pas combien de temps ça va durer. On est un peu coupé du monde, même en plein dans la capitale.

Le cuisinier est arrivé, catastrophé, il ne sait pas comment il va pouvoir approvisionner la cantine et préparer les repas. Un groupe des CM2 est parti visiter les potagers dans les alentours pour voir qui pourra nous fournir quoi dans les semaines qui viennent.

Au bout d’un moment j’ai proposé qu’on demande des conseils aux anciens. Alors il y a un groupe de l’EHPAD du quartier qui est arrivé. Des personnes âgées en chaise roulante qui se sont mis à nous aider avec des idées pour conserver les fruits et les légumes d’automne. Dans un coin pas trop ensoleillé, nous avons trouvé les dernières mûres et même des framboises que nous avons utilisées pour une petite compote.

Moi, j’ai fait un peu le clown pour amuser les gens, car au début les profs et la cuisinière ont vraiment perdu leur tête. Ça a gâché un peu l’atmosphère. Du coup je leur ai raconté l’histoire de la grande coupure d’énergie dans le village quand on était petits – tu te souviens – et nous nous sommes tous mis dans un cercle et j’ai dansé et chanté comme mamie nous l’a montré. Au début, personne n’a bougé mais après 10 minutes tout le monde s’est mis à répéter après moi. C’était vachement bien de voir les gens rire et bouger. Ils sont quand même un peu raides, souvent, ici.
Il n’y avait plus personne qui était fixé sur son portable ou en train de marcher autour de la cour avec un pas nerveux et un visage de mauvais temps.
Pour la première fois je me suis sentie vraiment à la maison.

Finalement, tu vois on s’en sort bien ! Cette panne qui paraissait dramatique à mes petits copains français n’était pas si grave ! J’avais un peu de mal à me faire des amis quand je suis arrivée dans cette école. Mais depuis, on a pu passer beaucoup de temps ensemble et apprendre à se connaître. Je leur ai donné pleins de petits trucs de chez nous pour le potager et j’ai appris plein de choses aussi: tu n’imagines pas toutes les recettes qu’on a pu créer à l’école avec les citrouilles et les choux du potager et tout ce que nous apportent les agriculteurs d’Île de France (c’est pas une île en vrai, c’est la région autour de la ville où on trouve il paraît des terres super riches). 
Et je suis trop contente que tout le monde m’ait écoutée. Comme on dit chez nous: « Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens. »

Je te fais plein de bisous Mamadou,

Maeva