Lugdunum en 2050

Récit imaginé par Magali Casado-Arino, Emilie Demeusois Riess et Jean Luc Delfesc et facilité par Angélique Zettor dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 17 mars 2023 en partenariat avec l’ADEME

Thème de l’atelier :  Et si la France était neutre en carbone en 2050, dans le scénario 3 « technologies vertes » ? 


 Salut Evine, 

    Je suis vraiment désolée de ne prendre le temps que maintenant de t’écrire, mais depuis trois mois il s’est passé tant de choses….. Alors, je vais commencer par le début : cette ville est vraiment dingue, non franchement. Tu te souviens quand on parlait au bord de la rivière, chez ma tante dans l’Alpage, de ce qu’on voudrait faire, plus tard, et qu’on adorerait aller s’installer dans une grande ville. Et bien ça y est ! j’y suis. Bon, niveau logement c’est pas terrible avec mon budget, mais j’ai réussi à trouver une chambre dans une cité U. C’est pas grand, mais je ne  suis pas loin de l’école. On peut suivre les cours à distance, mais je préfère y aller. Il me faut une bonne trentaine de minutes, car j’y vais à pied, et je n’ai pas encore le budget pour un vélo électrique, et la voiture, on n’y pense pas : c’est trop cher et il y a des bouchons monstrueux. Mais ça me permet de voir la ville. Je change d’itinéraire chaque jour ! et j’ai l’impression de découvrir encore des choses. Tu verrais ça : quasiment tous les immeubles sont neufs, ils sont équipés de capteurs de tout genre : la température intérieure, extérieure, le taux d’hygrométrie, la vitesse du vent, les mouvements dans le bâtiment, le nombre de personnes, le niveau des consommations d’eau… Ce sont des bâtiments immenses, comme des montagnes anguleuses couvertes de végétation. Il y a des espaces « ilôts de fraicheur » sous forme de cours intérieures, aérées où les résidents peuvent travailler ou se détendre s’il fait trop chaud. Il y a même des salles climatisées pour les enfants, en sous-sol, avec des jeux pour les périodes de canicules. 

    Même si ça a été très compliqué, j’avais enfin réussi à me faire une amie : Anouchka. Pas aussi cool que toi, rassures-toi ! Mais j’étais contente d’avoir enfin trouver quelqu’un avec qui parler ou sortir. On s’aidait en cours, on se refilait nos notes. Et grâce à elle, les longs monologues interminables du professeur Gaston passaient beaucoup mieux. 

Et puis il y a eu la canicule. Dans la cité U, les chambres sont équipées pour faire face à la chaleur, mais dans une certaine limite. Les nuits étaient un peu difficiles. Heureusement la journée, on avait accès à des îlots de fraicheur. Chez nous, c’est l’altitude et les nuages qui font baisser la température. Ici, ce sont des brumisateurs. En dehors de ces espaces délimités, impossible de supporter la chaleur. 

Je ne te fais certainement pas rêver en te racontant tout ça.  

Je n’imaginais pas que cela allait impacter directement des gens autour de moi, dont la seule personne avec qui j’avais réussi à tisser des liens. En effet, ses parents ont été hospitalisés suite au pic de chaleur du mois dernier et elle a dû les rejoindre en urgence. En réalité, un grand nombre de personnes était dans la même situation. Je me suis rendu compte qu’ils ‘agissait d’un problème systémique et j’ai décidé de passer à l’action pour recréer de la solidarité lors des canicules.

J’ai proposé de constituer des groupes de travail de façon à réfléchir à comment créer des espaces qui soient équipés de low tech et accessibles pour les gens exposés aux canicules. 

Apres avoir lancé ce projet, j’étais bien sûr très inquiète de la suite, rien n’était gagné, seul un prof de l’ENSA Lyon me soutenait et les autres disaient que la Métropole du grand Lyon avaient bien d’autres priorités. J’ai du produire des témoignages dont celui de mon amie pour qu’ils prennent enfin conscience de cette réalité dramatique, là à deux pas de chez eux. Finalement j’ai pu proposer ce sujet comme projet de fin d’études, et  surtout en présence des autorités de la Métropole avec possibilité de les mettre en action. 

C’était très difficile à imaginer mais, figures toi qu’ils ont tous adhéré à l’idée aussi bien l’école que les représentants de la Métropole.

C’est ainsi que, depuis la semaine dernière, je participe au lancement d’un nouveau programme appelé « Des ilots de fraîcheur pour tous », porté par la Métropole. Ils vont me nommer cheffe de projet car ils veulent aussi que l’on organise des espaces de rencontre au sein de ces nouveaux ilots.  

Bien entendu ce projet ne règlera pas tout, mais il contribuera à ce que les futures canicules soient moins dangereuses pour les habitants. Si ce programme avait existé plus tôt, mon amie Anouchka aurait pu continuer sa formation.