L’indien du Mirail : du semeur de troubles au semeur de graines

Récit imaginé par Sylvain Robin, Isabelle Beautemps, Erica Leturcq, Assya, Olivia Gloux et facilité par Cédric Liardet dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 16 mars 2021. 

Thème de l’atelier: Le lien dans l’adversité: 

« Nous sommes en 2030. Notre quotidien est à présent entièrement impacté par le processus globalisé et évolutif d’effondrement de notre civilisation. Chaque jour, face à la déliquescence de la situation, nous sommes de plus en plus inventifs pour renforcer notre autonomie, nous organiser en communautés, développer des compétences insoupçonnées. Dans ce contexte, quels récits pouvons-nous imaginer pour créer, entretenir ou réparer des liens ? »


Je t’écris du haut de mon balcon, nous sommes en 2030, le quartier a été bouclé il y a deux semaines et nous ne savons toujours pas ce qui se passe à l’extérieur. 

Certains disent que le gouvernement nous impose des restrictions de circulation pour assurer notre sécurité. Tout le monde se dit que quelque chose d’autre se trame en arrière plan. D’habitude j’ai mes indics et rien ne m’échappe, mais là plus rien ne fonctionne et je n’arrive pas à les joindre. Difficile de sortir pour moi. Moi qu’on appelle l’Indien, je ne me montre généralement pas et je suis très discret. Ce n’est pas de gaité de cœur que je fonctionne de la sorte mais je n’ai pas trouvé d’autres moyens pour assurer ma sécurité et celle de mes proches. 

Notre voisine Clémence est venue frapper à la porte, j’ai pris mon arme et demandé à toute notre famille de se mettre à l’abri au fond de l’appartement. Après de multiples vérifications, je me suis rendu compte qu’elle était en grande détresse, qu’elle connaissait ta maman. Elles s’étaient rencontrées pendant leur grossesse. 

Photo by Dev Abhiram on Unsplash

Elle lui expliqua qu’elle avait perdu son lait et ne pouvait plus nourrir son bébé de 2 mois. Ta mère qui allaitait également a pris le relais car les magasins étaient vides. Cela aurait pu t’arriver à toi aussi mon fils, alors solidarité oblige !

Les gars qui bossaient pour moi étaient désemparés, solidaires face à la tragédie qui nous frappait. Chez eux aussi, les allaitements étaient difficiles. Les frigos – comme les supérettes étaient vides, et on sait qu’une mauvaise alimentation ne permet pas de nourrir correctement un nourrisson. Autour du feu sur le toit de notre tour, entouré de mes proches, nous avions pris la décision de créer des potagers au cœur du Mirail. Avec notre réseau de guetteurs, prêts à observer le ciel plutôt que les flics, et les livreurs prêts à pédaler toute une journée pour livrer les familles, nous étions déjà prêts à affronter une telle situation. Quelques temps plus tard, Le Cherokee de la cité voisine, est venu me voir. Cette fois, ses intentions étaient pacifiques. Curieusement, face aux mêmes peurs, nous nous sommes alliés et avons choisi de mettre en commun nos graines et récoltes. C’est comme ça que Cherokee est devenu ton parrain, mon fils.

Grace à mes multiples connaissances, j’étais le seul à pouvoir sortir de la cité pour aller nous ravitailler en lait. J’avais la chance de pouvoir vendre les racines de la plante amérindienne découverte dans le potager derrière le collège. Elle pouvait rendre heureux et libérer l’imaginaire à l’image d’une prophétie. Grace à elle, chacun pouvait  imaginer des astuces low techs, des possibilités pour faire pousser de nouvelles choses, des méthodes pour changer de lieux sans transport… bref, la créativité était libérée !!… Grace à cette plante, j’obtenais tout le lait que je voulais en dehors de la cité  et j’étais autorisé à la ramener aux femmes qui ne pouvaient nourrir leurs enfants. Petit à petit je devenais celui qu’il fallait connaître… 

Cela n’est pas sans risque. 

Mon chéri, à la suite de ces événements, j’ai changé de vie. Je ne pouvais rester sans rien faire. J’ai bousculé beaucoup de choses. J’ai risqué beaucoup. Je n’ai pas toujours su te l’expliquer et nous avons eu des moments difficiles. Mais tu  comprendras, je l’espère. Il faut savoir parfois se remettre en cause et faire face. Garde à l’esprit que la bienveillance ouvre en vérité beaucoup de portes. C’est dans cette optique que j’ai lancé les semences de quartiers, que j’ai mis en place les réunions d’entraide, que j’ai crée le « Café commun » qui m’ont valu beaucoup d’inimitié, que j’ai diffusé notre plante « la délivrance » sans contrepartie. Continue dans cette voie, s’il devait m’arriver quelque chose, je veux que tu reprennes les rennes.

Soit un homme mon fils !