L’héritage du vieil André

Récit imaginé par Victoria SANAA, Charles MENARD et Isabelle CLOUET et facilité par Adrien CONTY dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 28 janvier 2023

Thème de l’atelier:  Et si En 2035, la vie en collectivité était devenue la norme ?

Les oisillons s’étaient déjà tous envolés à la découverte de la Bourgogne, sauf un. Rouge avait du mal à quitter le nid et, malgré les encouragements de ses parents, préférait rester encore sur mes branches. Chaque jour, il me questionnait sur l’histoire du village dans lequel il était né.

Ce village, je le connaissais bien. Vieux chêne un peu spécial, je trônais au milieu de la place pavée. A la belle période, c’était autour de moi que les Champagnolais organisaient les marchés gourmands et la fête des voisins. J’étais témoin de tout, dépositaire de leurs mémoires, dont certaines me faisaient bien rire, tant l’agitation des humains me semblait parfois irrationnelle.

« Regarde cette maison là-bas… » commençais-je en fléchissant mon feuillage vers la partie ensoleillée de la place.

Je faisais de l’ombre à deux maisons. Dans celle aux volets bleus vivait la famille Minvielle, des arrivants plus récents ; ils avaient acquis la maison aux enchères annuelles de la circonscription. Dans celle aux volets verts, en revanche…

« Celle du vieil André. Ah ! Cela fait des mois qu’ils y sont, à la délibération. C’est tout le village qui s’y est mis pour décider du sort de cette bâtisse. Laisse-moi te raconter en détails : »

 Au début de l’automne, je m’en rappelle bien car c’était l’époque où mes feuilles commençaient à jaunir, la maison du vieil André, un petit vieux assez bougon mais qui dans sa jeunesse avait été bien investi dans la vie du village, s’est retrouvée vide. Le pauvre est mort d’une crise cardiaque. Pas de successeur, il était veuf, et ils n’avaient pas eu d’enfants, ça arrive malheureusement à de plus en plus de couples tu sais. Bref, André à légué sa maison à la commune, en émettant le souhait qu’elle soit utile à la communauté. Le chef du village (et oui, c’est comme ça que ça fonctionne ici, chaque année, une personne du village est élue « chef » pour un an: il ne décide pas tout seul mais prend le rôle d’organiser la concertation de la communauté) a réuni les habitants pour leur faire part de cette opportunité: ils avaient une grande maison vide à disposition, il fallait décider collectivement de ce qu’ils allaient en faire. Des idées, ils en avaient plein! Elles fusèrent dans la salle,  ils étaient devenus habitués des posts-its, des crayons de couleur et des dessins, c’est comme ça qu’ils fonctionnaient depuis 10 ans. Ils repartirent donc chacun de leur côté en discutant de ce qu’ils allaient pouvoir faire de la maison d’André.

Joseph était menuisier: il avait vraiment envie de voir le garage transformé en atelier partagé et de faire venir également d’autres créateurs avec lui. Bon, rien de très novateur, ça se faisait déjà depuis les années 20 lui rétorquait les anciens.

Céline approchait les 70 ans, elle vivait seule dans sa petite maison, ses fils étaient partis habiter au frais, à la montagne, dans les stations de ski transformées en tiers lieux du numérique. Elle s’inquiétait de vieillir seule dans sa maison et avait en tête depuis déjà longtemps de créer une maison où les anciens et les jeunes pourraient cohabiter pour s’entraider. Ses amies de l’ouest vivaient déjà dans ce type de maisons depuis 5 ans et elle militait pour que cette initiative se développe aussi dans son village.

Thomas, venait de fêter ses 18 ans. Sa vie c’était la musique! Avec ses copains, ils avaient créé un groupe: les Djinns, et ils avaient l’habitude d’animer les fêtes du village. Ils pourraient utiliser la maison pour répéter, organiser des concerts, héberger de nouveaux groupes et faire de Champagnole le village de la musique! 

 Pendant plusieurs semaines Joseph, Céline et Thomas se retrouvaient toutes les semaines afin de discuter d’une solution qui convienne à tous. 

 La discussion n’était pas toujours facile. Céline s’inquiétait du bruit que pourrait causer un espace de création. Elle qui aime tant la musique elle craignait trop de tintamarre.  Joseph, lui, s’inquiétait surtout de l’organisation que demande un tier-lieu, alors imagine un tiers-lieu inter-générationel ! Enfin, Thomas rechignait à l’idée d’être avec « des vieux ». Non pas qu’il veuille y faire la fête, mais cela risque de tout ralentir, on a beau être en 2035 les outils numérique ce n’est pas encore tout à fait ça. Et puis, l’idée c’est surtout de pouvoir expérimenter, créer pas sûr que tout le monde soit ouvert à la nouveauté. 

Aujourd’hui ils appellent ça « l’hiver brainstorm » en souvenir de ces longues soirée au coin du feu à débattre, argumenter et chercher des solutions ensemble. 

Juste avant le printemps ils s’accordent néanmoins sur un projet où les seniors vivent dans 3 studios. ils enseignent aux jeunes la musique, qui à leur tours aident à l’organisation du tiers-lieu (réception, service etc.) et installent des outils numérique (mais sobre) pour la prise de décision et la vie du lieu.