16 Avr Les voisins d’Emma
Récit imaginé par Laure Ricard, Bastien Hüe, François Rousseau et Kristalna Perrody, lors de la soirée futurs proches consacrée à l’après-coronavirus, le 16 avril 2020.
Jeudi 16 avril 2020 à 20h37 exactement, l’ordinateur d’Emma Scherer s’éteignit pour ne jamais se rallumer.
Jeudi 16 avril 2020 à 20h37 exactement, l’ordinateur d’Emma Scherer s’éteignit pour ne jamais se rallumer.
« Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire ? Va-t-en trouver un réparateur en plein confinement… » s’énerva-t-elle.
En tâtonnant autour de son ordinateur, dans l’espoir que peut-être il se passerait quelque chose, profitant du silence ambiant, elle avait l’oreille collée sur la machine, espérant entendre peut- être quelque chose. Mais en lieu et place de l’ordinateur, elle entendit des cris dans l’appartement du dessus, le couple qui y habitait était en train de se disputer. Cela semblait plutôt violent, mais Emma ne tenait pas à s’en mêler. La police passait déjà bien assez souvent dans leur quartier.
Le lendemain, le hasard mit sa voisine sur son chemin, et là, elle remarqua la peur sur son visage. Elle lui proposa son aide, elle sentit des réticences, mais de bonne grâce, la voisine finit par accepter et se confia. Elle était battue par son mari, et n’avait nulle part où aller.
Emma décida donc de faire de la place dans son salon pour accueillir la voisine, en attendant que la police reprenne l’affaire. Encombré, elle le vida et descendit quelques effets personnels à la cave. Elle n’y était pas allée depuis longtemps, et croisa sur sa route un groupe de sans- abris qui y avaient élu domicile. En remontant, elle aperçut un groupe de jeunes de 25 ans environ, qui étaient chargés de plusieurs panier-repas. Ils savaient que des personnes dans le besoin se trouvaient sur les lieux et ils étaient décidés à les aider. Emma se prit de sympathie et commença à son tour à aider ces jeunes.
Puis elle les suivit sur un nouveau projet : commencer à faire un jardin partagé au pied de l’immeuble. Mais ses allées et venues finirent par leur coûter une amende. Quelqu’un dans le voisinage les avait dénoncés.
Loin de se décourager, Emma continua d’entretenir des contacts avec le voisinage immédiat, les aidant du mieux qu’elle pouvait, mais toujours personne ne savait réparer un ordinateur…
Ce qui devait arriver arriva, le confinement finit par être levé. Mais Emma fut licenciée. Elle n’avait jamais pu réparer son ordinateur. Mais proche des autres, elle réussit à refaire surface grâce à leur soutien et profita largement de ce qu’elle avait réussi à mettre en place avec eux.
Dans le même temps, autour de son immeuble à Hautepierre, jour après jour, le béton reculait et laissait la place aux arbres fruitiers, aux oiseaux et aux fleurs. Les petites gens qui s’entassaient dans les cités ne voulaient plus être sacrifiées à la Machine et avaient, au fil du temps, construit les outils de leur émancipation.
Peu à peu, apprenant à partager, l’humanité était plus attentive aux vulnérables et aux effets de son action sur l’environnement. L’humanité avait découvert qu’elle portait en elle tant de savoirs qu’il suffisait d’activer en commun pour résoudre les problèmes les plus graves.
Le 16 avril 2120 à 20h37 exactement, le dernier ordinateur de l’histoire de l’humanité sortait des chaines de fabrication.