Les semences d’une faim

Récit imaginé par Félix DEGORCE , Cyri BATOLOl, Romain RATIERet facilité par Élodie Dantard dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 15 février 2024 en partenariat avec l’ADEME

Thème de l’atelier :  Et si la France était neutre en carbone en 2050 (scénario 3 de l’ADEME) ?


Cela fait maintenant quelques jours que j’ai entendu la nouvelle. Les graines de l’unique entreprise encore capable d’en fournir ne sont plus fertiles. Je ne parviens plus à les faire germer. On a essayé de me donner plus d’eau, plus d’engrais, plus de soleil artificiel… À l’air libre comme sous serre il n’y a plus moyen. Comment mes habitants vont-ils se nourrir ? Il ne reste des provisions que pour quelques mois. Je sens maintenant des grondements, j’entends des cris. Ma population se soulève, n’accepte pas son sort. 

En secret, un réseau d’échanges de semences s’était organisé au marché noir. Des agriculteurs perpétuaient des pratiques agricoles plus vertueuses, cachés dans des parkings ou des toits isolés, en agriculture urbaine. Leur QG à semences était au 122, tiers lieu abandonné, qui servait de repère à graines pour ce réseau pirate. À l’annonce de l’effondrement de l’agro-business de Monsanto, ils ont décidé de réinvestir tous les lieux qui pouvaient permettre de retrouver une autonomie alimentaire. J’ai enfin pu me désaltérer dignement, avoir de l’air pour respirer, ma peau était désormais caressée et non plus arrachée. Depuis ces dernières années, une soif et un mal de ventre permanent dû au manque de ressources et à l’enfouissement de tout le CO2 rejeté s’étaient installés en moi. Ma silhouette avait aussi changé avec la mise en place de grandes montagnes d’immeubles ainsi que de colonnes vertébrales de panneaux solaires. Un des rares sentiments heureux que j’ai pu avoir était le fait de ne presque plus voir d’animaux sur mes plaines, sentiment qui s’est vite évaporé avec l’accroissement des pauvres qui dormaient en moi. 

C’est ainsi que depuis 6 mois, je vois, je ressens et j’entends les modifications de moi-même revenant aux décisions qui ont été prises en 2024. Pour la première fois depuis 25 ans, je me sens revivre et mon monde murmure une gronde d’entraide. Le maire de l’agglomération d’Angers vient de promulguer le giga fin’ss, un repas regroupant la première récolte de ma terre. L’entraide de cette fête sera peut-être le premier élan d’un nouveau souffle pour moi, afin de sauver le peu qu’il reste de ma vie.