Les Chroniques de l’Archipel

Récit imaginé par Jean-Charles Cadiou, Albert Cau et Gaëlle Mourier-Bouchon et facilité par Hélène Chesnel dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 8 février 2024 en partenariat avec Nantes Université.

Thème de l’atelier :  Et si, en 2050, Nantes Université avait un rôle clé dans la transition écologique ?


Saint-Nazaire, 2050.

Roso sortit de ses pensées lorsque le silence se fit dans l’Agora, cette instance au cœur du fonctionnement de l’université. Son tour de parole était imminent. Il était de son rôle en tant que troubadour des savoirs de colporter les nouvelles informations, connaissances ou pratiques au sein de l’archipel des savoirs, forme évoluée de Nantes Université. La forme physique, organisée en grands campus universitaires de Nantes Université n’existait plus. L’université était plus que jamais dans la cité et s’organisait sous forme de micro-quartiers en réseau, complètement intégrés dans la ville et ouverts. Chacun y avait sa place en tant que Citudiant, forme contractée de citoyen et d’étudiant permanent.

Finalement, il était la version 2050 du service de la communication !

Le cœur battant, il s’avança au milieu du cercle suspendu de l’Agora de Saint-Nazaire. Son moment de gloire était proche.

« Salutations à toutes et tous, moi, Roso, troubadour des savoirs de mon état et chantre des connaissances, je viens vous partager un moment qui s’est déroulé lors de l’une des Agoras de Nantes, celle qui se situe sur l’île NFS, sur le chantier abandonné. Ces événements se sont déroulés il y a une semaine et c’est le temps qu’il m’a fallu pour vous rejoindre, au fil de mon plaisant voyage le long de la Loire.

Figurez-vous qu’Alma, Citudiante de l’archipel des savoirs est revenue accompagnée du périple initiatique qu’elle avait choisi de mener vers les Confins ! Je vous vois venir : rien à voir avec une histoire d’amour flamboyante et romantique. Et nous aurions préféré !

Renard, membre du conglomérat des Confins de son état, a été accueilli comme il se doit par l’Agora. Quelle ne fut pas notre surprise en découvrant les intentions réelles de ce personnage perturbant !

Tel un remake raté de la ruée vers l’or d’il y a deux siècles, celui-ci s’imaginait déjà avoir découvert son nouvel Eldorado ! Pensez, la découverte de notre monde idéal, conçu en harmonie avec le vivant, parsemé de jardins potagers sur les toits, d’accès libre à la connaissance et de formation permanente, où notre mode de vie régénératif nous permet de disposer d’une relative abondance des ressources, où chacun est tour à tour cuisinier, agriculteur, enseignant, chercheur, réparateur de vélo ou coiffeur, le laissait à la fois perplexe et avide de piller ces nouvelles ressources dont son monde à lui manquait cruellement.

Il nous a immédiatement parlé de partenariat win-win, de débouchés commerciaux, de vente de brevets, d’expériences sensationnelles, d’actionnariat majoritaire, de délocalisation lucrative, de gains de production dans des territoires exploités et d’enrichissement personnel rapide.

À ces mots, les yeux des représentants des générations futures ont commencé à briller.
Avec un sourire carnassier, Renard a senti qu’il avait conquis et ferré une partie de l’auditoire.

Une discussion mouvante se mit en place dans l’Agora. Les plus jeunes générations, poussées par leur curiosité de nouveaux savoirs se mirent à poser de nombreuses questions : quoi, du nouveau ? Un autre monde est possible ?

Mais c’était sans compter sur la vigilance des représentants des Anciens pour qui le discours avait ravivé le souvenir de la lente dégringolade des années 2020, où il était plus grave de bloquer un chantier d’autoroute que de continuer à piller le sol pour en extraire les dernières gouttes de pétrole.

Cette discussion était fort inhabituelle dans nos Agoras. Tant d’émotions exprimées rendaient l’Agora presque hors de contrôle.

Observant cela d’un œil vigilant, les représentants des non-humains à leur tour se levèrent dans un grand bruissement de feuilles. Le silence se fit instantanément dans l’Agora : la Nature allait parler !

Ils rappelèrent que pour faire monde, il était nécessaire de préserver les équilibres et l’harmonie entre humains et non-humains. Nous faisons finalement partie d’un tout.

Renard, sentant les choses lui échapper, sortit de l’Agora la tête basse et bien plus bouleversé par ce qu’il venait d’entendre que ce qu’il voulait bien montrer. Dans son monde, la Nature n’avait jamais eu le droit de parler ! »

3 ans après...

Renard, désormais Citudiant au sein de l’Archipel des connaissances, avait trouvé sa voie : il dédierait sa vie à diffuser son nouvel Eldorado, celui que, finalement, il avait toujours cherché. La destination qu’il choisit pour son voyage initiatique lui parut évidente : retourner vers les Confins, pour partager au conglomérat ce nouveau rapport au monde. L’Archipel des connaissances avait pleinement rempli sa mission.