Les capucines libérées

Récit imaginé par Anne-Sophie Mondin, Emmanuelle Orvain et Nathan Parent facilité par Vanessa Weck, dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 24 avril 2023.

Thème de l’atelier :  « 2033 : Et si les entreprises abandonnaient la recherche de profit ? » 


5 avril 2030 :

Je travaille dans un restaurant donnant sur la place de la Libération à Dijon. Tout se passe bien, je suis contente, les collègues sont super sympas, le patron un peu moins. Que de bons moments passés entre collègues, on se connaît par coeur, on forme une famille. Quand j’y repense, le nombre de clients que je sers et les heures de boulot qui hachent la journée. Le patron nous fait travailler tard mais bon, il y a un bon salaire. C’est une belle époque. Je peux encore subvenir aux besoins de ma petite tribu. Mais les prix continuent d’augmenter dans tous les secteurs. Je suis de plus en plus inquiète. Je vois chaque jour des économistes et autres experts en costumes affolés sur les plateaux télé qui nous prédisent le pire. Mais bon, j’essaye de ne pas trop y penser.

10 Juin 2030 :

Malheureusement, ma vie s’effondre : j’ai  perdu mon travail, et ce dès aujourd’hui. En effet, mon entreprise ne peut plus faire face, du moins, c’est ce que m’a raconté mon patron. Les charges structurelles sont devenues trop importantes en raison de l’inflation exponentielle.

Je rentre chez moi abattue : que vais-je faire ?!! Comment vais-je dire cela à mon mari, à mes enfants ?

Mon monde est réduit à néant.

Et puis, que vais-je faire demain ? Il ne me restera plus qu’à jardiner, c’est tout ? Mon quotidien ne peut pas se résumer à ma passion du jardinage ! Il faut bien que je gagne ma vie.

1er juillet 2030 : 

J’ai accusé le coup. Gérald et les enfants m’ont soutenue dans ma réflexion, m’ont laissé aussi un peu de temps pour souffler et me remettre de ce choc. J’ai pu échanger avec quelques collègues…

Après ce changement brutal, je sens que je vais me décider à rejoindre une autre entreprise, coopérative située dans la zone d’activités de Dijon Cap Nord. J’ai entendu lors d’un afterwork organisé sur la Place de la Libération qu’elle rencontrait des problèmes de « production et qualité » après la vague de relocalisation de 2031. J’espère être la femme de la situation !

Jeudi 14 avril 2033 :

Ah, il est 16h30, les enfants reviennent de leur cours de yoga avec leur père ! Il va falloir que je te laisse, cher journal.

Je vais prendre du temps avec eux, nous irons peut-être au restaurant, qui sait ? En plus, j’ai quelque chose à fêter : avec mes collègues femmes, nous avons instauré l’égalité salariale entre les femmes et les hommes au sein de la coopérative. Ca a été long mais on y est arrivé. Je suis fière de moi sur ce coup-là.

Cette pause en famille me fera le plus grand bien. Et je suis sûre que demain va m’apporter une autre belle façon de réussir à motiver les sociétaires de la coopérative pour voter ensemble une résolution… LA résolution : limiter la production pour fabriquer de plus petites séries, voire des modèles uniques, pour renouer avec notre savoir-faire artisanal tout en conservant la qualité de nos produits, en évitant les sur-coûts énergétiques. 

Décider ensemble de façon collégiale, c’est une tâche vraiment géniale, mais très complexe (les votes, les façons d’arbitrer des projets…). Ca rend la chose passionnante. 

Parfois, Gérald me donne des idées quand on en parle en mangeant. Par exemple, il m’a montré un comparatif sur un ODD mis en oeuvre dans l’une des associations pour lesquelles il travaille et j’ai été surprise de voir que la mise en place de pratiques « craddle to craddle » pouvaient avoir autant d’impact, ne serait-ce que sur la gestion des ressources matérielles ! Ce rapport annonçait un gain de bien-être et d’externalités positives pour 95% des « maillons de la chaîne » !

Mais, tu me connais, j’ai toujours plein d’idées et j’aimerais aussi, proposer d’installer une ferme en aquaponie dans le local qui ne sert plus suite à la diminution du stock. J’attendais de connaître les résultats d’une des commissions de travail sur le « recyclage » de nos locaux non-occupés pour savoir si ça serait une bonne idée (collective)… A suivre.

Et puis, pour la fête de fin d’année entre membres de la Coop’, j’aimerais bien faire revenir la ressourcerie ambulante, elle avait eu du succès l’an passé.

Merci cher journal ! J’y vois plus clair, heureusement que tu es là pour que je puisse poser mes idées, aussi folles soient-elles !