Le sapin qui n’aimait pas Noël

Imaginez…


Nous sommes en 2027. La France est définitivement entrée dans une longue et radieuse période de sobriété, faire mieux avec moins, seule à même de répondre aux enjeux écologiques et sociaux de notre siècle. Au contraire des positions dogmatiques du début du 21eme siècle, elle a déconstruit les récits alors dominants et s’est inventé de nouvelles célébrations.


Et si nous imaginions la sobriété dans la joie des célébrations de fin d’année ? À quoi ressembleraient les contes populaires de Noël dans une société sobre ? Que nous offrerions-nous ? Comment célébrerions-nous ensemble, en famille, entre amis ? Quels enchantements racontés pour petits et grands seraient fédérateurs et porteurs de sobriété ? Répondre de manière profonde et durable aux défis écologiques et sociaux passe aussi par l’émergence d’imaginaires porteurs d’avenir. En partenariat avec La Fabrique des récits, c’est ce que nous avons proposé aux participants de cet atelier d’écriture collaborative en les invitant à co-créer des récits de futurs désirables sur le thème de la sobriété durant les fêtes de fin d’année.

Récit imaginé par Elisabeth Gleizes, Valérie Lubert, Manuel Berthomieu, Clément Crémon et facilité par Delphine Bondran dans le cadre l’atelier Futurs Proches réalisé le 8 novembre 2022 en partenariat avec La fabrique des récits.


Chère Mère & Père Noël,

J’ai appris par la presse, depuis la fonte des calottes glaciaires, votre récente démission pour cause d’impossibilité de voyager. Depuis l’éternité, et ce jusqu’au dernier Solstice d’hiver, la fête faisait disparaître tous mes congénères, tronçonnés, leurs pieds tranchés, leurs branches arrachées, pour finir broyés. Vraiment, je n’aimais pas Noël.

Or, cette année, il s’est passé quelque chose d’insoupçonné. Moi, je n’ai pas eu à bouger. Je suis resté bien planté dans ma forêt (urbaine). Pour des raisons que j’ignore encore, je me suis retrouvé garni, décoré par des fruits de saison, des biscuits à la cannelle, des choux rouges et verts déposés à mes pieds. Je me suis trouvé vraiment magnifique. Et tout à mon sommet, à la nuit tombée, des petites lucioles se sont installées et allumées. J’ai commencé à entendre des rires, des cris d’enfants. En cette belle nuit étoilée, les gens ont mis leurs manteaux, et ont commencé à affluer vers moi. J’ai compris après coup : les habitants du quartier, ne voyant pas leurs cadeaux arriver dans la cheminée, se sont dirigés vers ma cime éclairée. J’étais un peu désemparé, n’ayant rien préparé. Je connaissais Noël et sa fête et j’ai donc improvisé.

J’ai appelé tous mes amis les animaux de la ville : blaireaux, renards, écureuils, oiseaux, chèvres, chauves-souris, sangliers et coq de bruyères. Ils ont commencé à danser autour de moi, pour le plus grand plaisir des petits et des grands. Une fois leur spectacle terminé, toutes les familles ont pris le relais. Ils riaient, ils dansaient, ils chantaient, ils se racontaient des histoires et ils partageaient des souvenirs. Les objets cadeaux tant attendus étaient oubliés, et la dopamine bien sécrétée. Le vrai cadeau, maintenant je le sais, ce fut l’occasion de se rassembler. Et finalement, moi qui n’aimais pas Noël, celui-ci est devenu le plus beau moment de ma longue vie de sapin.

Chère Mère & Père Noël, j’en suis convaincu, vous avez déjà beaucoup donné. L’année prochaine, vous êtes conviés à découvrir ces curiosités ! Et en plus, je sais maintenant que je ne serais jamais sacrifié.