Le poids des pierres trempées

Récit imaginé par Gabriel Fleury, Nathan Meneteau, Aubin Lhuillier et facilité par Mathilde Guyard dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 15 février 2024 en partenariat avec l’ADEME

Thème de l’atelier :  Et si la France était neutre en carbone en 2050 (Scénario 2 de l’ADEME) ? 


Hiver 2050, les fortes pluies accentués par le réchauffement climatique sont le quotidien des Brissacois, habitant d’une ville moyenne qui s’est vu se densifier d’année en année. Une d’entre eux, Jade, 35 ans, vit paisiblement dans une collocation au 5ème étage d’une résidence. Elle est architecte de formation et depuis 10 ans maintenant, fait parti du Cabinet Territorial d’Adaptation Architectural Angevin qui a pour objectif de finir la rénovation des bâtiments initiée 30 ans auparavant. 

Elle aime s’occuper de sa parcelle de pomme de terre et aller voir ses parents qui habitent le village à côté, elle n’aime pas aller au travail en vélo sous la pluie et sous fortes chaleur mais elle y est contrainte par le gouvernement. 

Depuis 3 jours que la pluie tombe, les bocages se remplissent d’eau. Les Brissacois organisent leurs journées sous les cordes. Quand certains rigolent d’arriver dégoulinant au café, d’autres se dévouent pour déposer les enfants à l’école, les jeunes et les moins jeunes à leur lieux de travail avec les vieille Renault Zoé partagées.

Jade a été lundi au cabinet avec sa mobylette électrique. « Plus jamais » s’était-elle juré en se séchant les cheveux au bureau. Alors mercredi, bien trop tard dans la nuit, alors que Jade lutte péniblement contre le sommeil, les yeux fatigués sur son écran, à remplir ses dossiers de chantier qui ne semblent jamais cesser d’affluer, elle sursaute en entendant le bruit soudain d’un objet qui vient de frapper les volets du rez de chaussée.

Jade se dirige vers la fenêtre,  et faisant tourner frénétiquement la manivelle des volets, constate que la rue est noyée sous les torrents de l’Aubance et que les poubelles viennent de s’échouer contre sa façade. Elle réveille Mathilda, sa colloc pour débarrasser le rez de chaussé et monter péniblement les meubles dans la cage d’escalier étroite avant d’aller se coucher.

Cette crue qui aurait pu être une anecdote supplémentaire rappelant les déséquilibre du monde, se change en drame lorsqu’au lendemain on apprend que le fils de 16 ans de Mme Hudon a été emporté par la crue et s’est brisé la nuque. 

Tout le quartier et même Brissac porte le deuil de ce jeune garçon vivant, qui débordait d’enthousiasme lors des assemblée de quartier et rêvait le long des routes en dessinant des arbres.

Le lendemain après-midi, le chef de Jade fait irruption dans son bureau et l’assomme avec la pile de dossier de maison à reconstruire et à réparer après la violente crue. Jade reste seule à contempler sa pile blanche de feuille encore vierge de tous les efforts qu’elle devra leur donner, les longues nuits sur son ordinateur, et les sommeils rageurs noyés dans l’impression de ne jamais voir le bout. 

Elle repense à Léo Hudon, à la violence terrible subie par les gens qui partent trop tôt. Elle louche une dernière fois sur ces dossiers et rentre. « Cette fois-ci pour de bon ». Finit la « noble cause d’adaptation sobre des logements » cette appareil national pousse les architectes à marche forcée depuis 15 ans. C’en est assez !

Suite à ce misérable accident, Jade se retranche dans son appartement. Elle passe ses journées amorphe sur le canapé et lorsque sa colloc Mathilda rentre, Jade fuit dans sa chambre pour éviter tous contacts extérieurs. Même son dealer ne la voit pas ! En effet, notre triste amie à replongé dans la cocaïne qu’elle avait difficilement arrêtée lors de son adolescence. Ses voisins de résidence s’inquiètent alors de l’absence de Jade lors de l’AG et contactent Mathilda pour obtenir des explications. Les ragots se propagent dans la résidence qui atteignent aussi l’ancien supérieur de Jade. Alors les voisins et son collègue se mobilisent pour remotiver Jade, la faire sortir, passer du temps avec elle. 

Elle découvre lors d’une sortie avec Jacques le gardien de l’immeuble, les gouteux pains au chocolat milles fois primés de la boulangerie de Brissac. Cela lui fait l’effet d’une madeleine de Proust en lui rappelant les gâteaux souvent cramés qu’elle faisait avec sa grand-mère.

Ainsi, Jade reprend tout à coup goût à la vie, recommence à cuisiner, arrête la drogue, va courir au petit matin à travers les sentiers boisés lors du lever de soleil. Lors d’une de ses courses se demandant alors le but de sa vie, elle voit le château de Brissac qui lui donne alors l’envie de tailler la pierre, grâce à l’apprentissage possible sur place.

Une fois les compétences apprises, Jade rénove le moulin et un cairn. Ce qui lui vaut beaucoup de mérite de la part de ces concitoyens.

Malheureusement, Jade fait une chute de plein pied dans son atelier collaboratif et devient tétraplégique, son récit fait le tour de France et donne un nouveau souffle à la coopération territoriales qui s’estompait.