Le monde d’aujourd’hui

Récit imaginé par Lilian Renou, Clément Martel et Thibault Vicart et facilité par Laetitia Gangloff dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 20 mai 2021 sur le thème de la polyactivité intermittente.

Thème de l’atelier: la poly-activité intermittente. Et si la norme de l’organisation du travail était le temps partiel multi-activités ?


Il sera une fois, un petit garçon qui s’appellera Pablo.

Aujourd’hui c’est au tour des parents de Pablo d’apprendre quelque chose aux enfants de sa classe. Ils ont choisi de les emmener dans la forêt pour leur montrer quelles plantes ils peuvent cueillir pour les consommer directement. Dans les environs de Cadarache, dans le sud de la France, les herbes aromatiques poussent facilement sous les pins. Ce sont ces herbes que les parents de Pablo veulent montrer aux enfants, de manière à renforcer leur lien avec la nature. Mais… les orties poussent aussi sous les arbres, et Pablo fait croire à un de ses camarades qu’il faut en ramasser… Sa mère le prend à partie pour lui expliquer calmement que ce n’est pas une chose à faire. Elle a l’habitude de ses espiègleries, mais il commence aussi à comprendre l’importance du vivre ensemble. Ses parents sont fiers, et heureux que la nouvelle organisation en temps-partiel décidée par l’union européenne il y a 5 ans permette aux enfants une éducation tout en douceur et expérience, loin de l’esprit de compétition et du stress.

Entre temps, chacun a pu ramasser ses herbes, et il est temps de rentrer. Cet après-midi, ils visiteront l’endroit où travaille Didier, l’oncle de Pablo.
Après le déjeuner, Didier, éminent chercheur du centre international de recherche sur la fusion nucléaire vient chercher les enfants. Pendant ses journées de travail libre, il aime se consacrer à la pédagogie pour partager ses travaux avec ses concitoyens. Il a dû longuement insister auprès de la direction de la centrale pour pouvoir faire entrer les visiteurs au plus près des machines, mais la nécessité de familiariser l’opinion publique au fonctionnement du réacteur et à ses systèmes de sécurité ont eu raison de leurs réticences.

Les enfants sont très impressionnés par les blouses blanches et les voyants multicolores qui clignotent à chaque coin de la pièce. En arrivant devant la porte de la salle du réacteur, la petite voix fluette de Pablo demande :
– Mais à quoi ça sert au juste ?
– Quoi donc ?
– Tout ça.
– À créer autant d’électricité qu’on le souhaite ! répond Didier à l’effronté sans se laisser déstabiliser.
– Mais ça sert à quoi l’électricité ?
– Ça permet d’alimenter des machines pour travailler à notre place.
– Mais c’est quoi ces machines ?
– Il y a par exemple des ordinateurs, qui permettent de calculer beaucoup plus vite qu’avec nos petites têtes.
– Mais ça sert à quoi de calculer plus vite ?
– Ça sert à mieux comprendre le monde qui nous entoure
– Mais ça sert à quoi de mieux comprendre le monde qui nous entoure si on le protège pas? Ma maman elle dit qu’il faut d’abord penser à protéger les zarbres plutôt que de les découper pour les comprendre.
– Oui mais c’est plus compliqué que ça, en fait aller plus vite ça permet de faire plus de choses, et donc de progresser, d’aller vers l’avant.
– Oui mais si on va vers l’avant, on oublie toutes les choses belles qui sont plus la non ? Mon papa il dit qu’il faut pas chercher à retenir les nuages qui passent
– D’accord, mais si on va vers l’avant, on pourra avoir une vie plus confortable, tu vois ?
– Mais là c’est déjà super confortable non ? Moi mon lit il est troooooop bien !
– Oui c’est sûr que vu comme ça, ça ne sert à rien…
– Mais ça sert à quoi si ça sert à rien ?
– Pfuuuuu … disons qu’on essaye de comprendre la nature intrinsèque du monde, et que ça n’a pas vocation à être fondamentalement uti…
– Ma maman elle dit que tu travailles trop, et que tu devrais plutôt venir avec nous dans la forêt pour profiter tonton ! Dis, tu viendras si demain on va se baigner dans la mare du triton ? Steuplait steuplait steuplait steuplaiiiiit !!! Moi jveux trop que tu viennes avec nous !

Touché par la sincérité de Pablo, Didier comprend. A travers cette discussion avec lui, il se rend compte des valeurs qui ont motivé la société à changer si drastiquement. En cinq ans, il pensait que sa vie à lui ne changerait pas, il travaillait dans l’énergie propre, la fusion, rien de plus écologique. Cependant, là n’était pas la question. Ce n’était pas une production propre qui était recherchée mais un changement des modes de consommation, consommer moins de ressources, moins d’énergie… Egalement, il voit maintenant l’enjeu de ces journées banalisées pour s’occuper de la nature, s’occuper de la vie en général. Il vaut mieux vivre en harmonie avec la nature, la laisser en paix, travailler avec elle, lui faire confiance, et ne pas vouloir ni la soumettre, ni l’assujettir.

Il était une fois un grand garçon appelé Didier…