Le bivouac

Récit imaginé par Laura Huguet, Maxime Doux, Hubert Trevilly et facilité par Lauriane Pouliquen Lardy dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 25 janvier 2024 en partenariat avec l’Ademe.

Photo de Adi Goldstein

Thème de l’atelier :  Et si la France était neutre en carbone en 2050 dans le scénario 3 ?


Le réveil sonne, Léon entrouvre les yeux. Le soleil traversant la fenêtre l’éblouit. Il se lève et se sert un café. L’odeur des grains moulus lui monte au nez, et le soleil qui caresse son visage le réveille instantanément. Il observe par sa fenêtre les champs et serres à perte de vue. Son appartement, au 228ème étage de son immeuble, en plein cœur de Valloire, lui offre une vue plongeante sur les limites de la ville et ses exploitations rurales, formant de tristes et sempiternels amas de terre, brûlés par l’intense soleil d’un été prolongé. En ce premier samedi d’Octobre 2052, Léon part dans une forêt voisine avec son ami Charles. Leur passion commune les rassemble souvent autour d’un bivouac ou lors d’une randonnée sur leur montagne alpine favorite, afin de s’éloigner de cette ville aux tours de ferrailles infinies et où le bleu du ciel est camouflé par ce mélange de matériaux industriels et végétaux, accrochés aux façades. 

Après avoir posé sa tasse dans l’évier, Léon jette son sac à dos préparé la veille sur son épaule, et se dirige vers la gare. En arrivant, il repère immédiatement Charles qui l’attend, le dos appuyé contre la paroi vitrée de l’entrée. Les deux amis s’enlacent et se dirigent vers le quai numéro deux, où leur train les attend. Cela fait cinq mois qu’ils ont réservé leur billet dans ce wagon bondé, qui les déposera à Vallouise-Pelvaux, près du parc national des Écrins. Après un trajet de deux heures à travers les montagnes, le train les dépose à leur gare d’arrivée. Il ne leur reste alors plus que quarante-cinq minutes de marche pour parvenir au parc où ils souhaitent randonner puis bivouaquer. 

Léon se relève après avoir fait ses lacets, paré pour une bonne marche au cœur de la montagne. Le silence accompagne leur ascension. Léon et Charles sont heureux de partager ce moment de plénitude, loin de leurs habituels toits d’aciers.

Ils arrivent alors dans la forêt, prêts à trouver le meilleur lieu pour installer leurs tentes. Après quelques heures de marche, ils finissent par trouver l’endroit parfait ! Une clairière ombragée qu’un petit ruisseau traverse.

« Il y a quelques années, ça devait être une rivière » pense Léon.

Les deux amis posent leurs sacs de voyage et en sortent la totalité de leur matériel. Heureusement pour eux, en lançant leurs tentes, elles se montent toutes seules. Il n’y a plus qu’à les fixer au sol.

Tout semble calme. Certains rayons de soleil percent les branches des arbres, on peut entendre de rares oiseaux, quelques insectes.

Charles trouve près du ruisseau quelques hameçons, restés plantés dans la terre. Peut-être que cet endroit a été un lieu de pêche ?

L’installation de la dernière pierre délimitant la zone où ils allumeront leur feu marque la fin de l’installation du bivouac. Ravis, Léon, tout comme Charles décident de s’asseoir sur un tronc d’arbre, qu’ils ont placé préalablement devant celle-ci. Ils commencent à discuter, s’amusant à théoriser sur ce qui aurait pu être fait ici, « avant que », comme aiment dire leurs parents « tout ne change ». 

Mais ils parlent, ils parlent, et progressivement le soleil se couche. Ils décident alors de partir à la recherche de bois, brindille et autres éléments permettant d’allumer leur feu. En se séparant, ça ira plus vite.

Il est 17h23, Léon regarde vers le ciel et aperçoit un nuage sombre arrivant dans sa direction. Quelques secondes plus tard, sa montre vibre pour afficher un hologramme du dirigeant de la ville la plus proche.

L’alerte est déclarée, une tempête arrive et les deux amis sont encore séparés, le temps presse. Léon ne perd pas une seconde et remonte ses pas en direction du camp. Il laisse tomber les branches de ses mains et court à toute allure vers son ami. Il enjambe branche, rocher, rivière avec une seule idée en tête, retrouver son ami. À cet instant, le temps semble s’être arrêté pour Léon qui ne pense à rien d’autre que leur survie. Une dizaine de minutes plus tard, il rejoint le camp, mais Charles n’est pas encore là. Il regarde les alentours, hurle son prénom, mais rien, aucune nouvelle de son ami. 

Léon commence à faire son sac lorsque Charles finit enfin par arriver au camp terrifié à l’idée de braver la tempête dehors. Les deux amis plient le camp aussi rapidement que possible tandis que le ciel commence à devenir de plus en plus sombre. Ils prennent alors la direction du bunker le plus proche à l’aide de la carte de Charles. Le vent commence à s’intensifier, le ciel s’assombrit et la nuit commence à tomber. Les deux amis tracent leur chemin les yeux rivés sur leur carte avec un compte à rebours en tête. Le temps semble rapide et lent à la fois, les amis sont muets, terrifiés à l’idée de braver la tempête.

Tandis que la nuit est totalement tombée, le vent souffle de plus en plus fort et la pluie commence à faire son apparition. Armés de leur lampe frontale, les deux amis continuent leur course contre la montre à travers les bois, par-dessus les rochers et les rivières. Soudain, Charles aperçoit une lumière au loin. Le bunker est là, la distance qui les séparent de celui-ci n’avait jamais été aussi proche. Il s’arrête essoufflé et s’adresse à Léon : « On y est, on y est !! Encore un dernier effort, et on pourra se mettre à l’abri ». Léon s’arrête et regarde alors son ami, sans qu’un mot ne puisse sortir de sa bouche mais son regard traduit sont soulagement.

Les deux amis reprennent alors leur folle enjambé en direction du bunker pour se mettre à l’abri. Quelques minutes plus tard, ils arrivent enfin à l’entrée de celui-ci. Léon pousse la lourde porte et la maintient pour son ami épuisé. Les deux amis sont maintenant sains et saufs tandis que la tempête est à quelques kilomètres.