La Terre Nouvelle

Récit imaginé par Elisabeth Richez, Zaklina Todic, Emilie Winzer et facilité par Delphine Ekszterowicz dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 23/04/2021 en collaboration avec le Social Up, la plateforme d’innovation de l’Hospice Général

Thème de l’atelier: Et si nous imaginions ensemble, un espace créateur de communs pour un mieux vivre ensemble sur nos territoires ? 


Mathilde et Jonas, courent encore ce matin pour être à l’heure, elle au journal et lui à l’école. Cette course folle, est encore plus prononcée depuis la mort de Sacha, son mari, emporté l’an dernier par une leucémie foudroyante. Depuis, son fils et elle essaient de reprendre le cours de leur vie.

Mathilde aime son métier de journaliste. Elle essaie, jour après jour, de faire avancer les enjeux de justice sociale et de solidarité entre les citoyens. Mais la perte de son mari l’a profondément bouleversée ainsi que son fils. Elle aspire désormais à se retrouver et à protéger son fils pour qu’il puisse s’épanouir dans un monde en accord avec ses valeurs. Jonas a du mal à exprimer ses sentiments et la blessure profonde due à la perte de son père. A l’école, il se sent à part, différent… La mort est tellement évacuée de nos sociétés, qu’il est difficile de trouver le temps, le lieu pour vivre son deuil, accepter cette absence de tous les jours… Ils y sont pourtant tous les deux confrontés mais cela ne leur permet pas de se rapprocher pour partager cette souffrance.

Mathilde et Jonas partent donc comme tous les jours à pied vers l’école. Ce moment, Mathilde l’apprécie. Marcher la main dans la main, dans le calme des rues de leur quartier de Plainpalais. Elle embrasse son fils avant de partir au journal de la Tribune de Genève, où elle doit rendre son article sur la rencontre associative d’Alternatiba qui a eu lieu ce week-end. Ils se sont donnés rendez-vous ce midi, à la sortie de l’école de Jonas.

Quelles heures, plus tard, en s’approchant de l’école, Mathilde voit Jonas seul, assis sur un banc. Il pleure en silence. Elle s’approche doucement car elle ne veut pas lui faire peur… Jonas se jette dans ses bras et éclate en sanglots. Mathilde est choquée… Elle ne comprend pas ce qu’il se passe. Finalement Jonas parvient à lui expliquer que ses camarades de classe se sont moqués de lui. C’est le seul qui n’a pas de père.

Mathilde propose à Jonas de faire une promenade pour se changer les idées. Ils déambulent au hasard des rues de leur quartier sans but précis, quand tout à coup, ils voient un lieu nommé « La Terre Nouvelle ». Mathilde se souvient qu’une amie lui avait parlé de ce lieu comme d’un endroit sympa où prendre un café. Elle décide d’y entrer avec Jonas.

Derrière la grande porte, s’ouvre un patio très végétalisé. Au centre de l’espace, quelques tables, où ils s’installent. L’espace est très coloré. Des gens viennent immédiatement vers eux pour les saluer et leur proposer de partager un moment avec eux : un atelier jardinage va bientôt commencer. Une autre personne, voyant leur mine triste, leur propose un temps dans le jardin méditatif pour se reconnecter à la nature et à leurs sens. Mathilde est très surprise par cet accueil et par la beauté de ce lieu. Ils se laissent guider vers le jardin méditatif. Là, ils découvrent un espace rassurant, avec une rivière, des arbres, et du calme : ce lieu leur permet naturellement de laisser s’exprimer leur tristesse ensemble. Puis, curieuse de découvrir cet espace, elle se dirige vers l’un des gardiens tournant du lieu pour mieux comprendre le fonctionnement et l’origine de ce lieu. Ils découvrent un lieu unique ouvert à tous qui fonctionne en autogestion, autonome en énergie, en eau et en nourriture, ce que l’on peut voir à travers différentes innovations disposées sur place. Ils découvrent qu’ils peuvent trouver des ateliers de partage de connaissance, d’écriture, de jardinage, … mais aussi un espace de créativité avec plein de matériel de récupération et d’art à disposition. Il y a même une école multi-générationnelle qui profite de toutes ces activités. Ce lieu permet de découvrir certaines activités qui sont développées dans le reste de la ville et aux alentours : chantiers participatifs d’isolation, création de spectacles de danse de théâtre et d’art, repas partagés. lls sont d’ailleurs invités à se joindre à la grande table installée dans le patio pour partager un repas. Celui-ci a été élaboré par des membres de « La Terre Nouvelle », chacun apportent ses compétences et sa culture, et les odeurs et les rires arrivent à profusion. Les légumes et les fruits du repas viennent directement du jardin de la Terre Nouvelle. Lors de ce repas, un autre enfant propose à Jonas d’aller après le repas, à l’espace bricolage, où les enfants peuvent utiliser des outils pour fabriquer les objets qu’ils souhaitent. Jonas et son ami, Yaran décident d’agrandir la cabane qui se trouve dans un grand chêne. Ce chêne existe depuis plus de 50 ans, à l’origine, il était sur la place bétonnée où avait lieu le marché aux puces. La « Terre nouvelle » s’est construit autour de lui. Il fait un peu le lien entre l’ancienne vie et la nouvelle. Yaran et sa famille vivent à demeure à la « Nouvelle Terre », qui est à la fois un lieu de rencontre, d’accompagnement pour toutes les personnes désirants poser leurs bagages et faire avancer ce projet collaboratif… Les parents de Yaran venant de Syrie, ont pu s’y poser et apporter leurs compétences dans ce projet, ainsi que trouver un toit, car des logements sont disponibles sur place et dans le quartier au alentour. Rhana, la maman de Yaran,a été engagée dans un restaurant tenu par un chef réputé. En contrepartie, elle donne les cours de couture. C’est ainsi que fonctionnent les résidents de « La Terre Nouvelle ». En partageant ses connaissances et son savoir faire et en donnant son temps aux autres. 

Mathilde se sent interpellée par ce qu’elle découvre, elle décide immédiatement de s’engager, en proposant des ateliers d’écriture. Elle propose à Jonas de visiter l’école du lieu. Celui-ci est ravi, car en à peine 2h de déambulation dans le lieu il s’est déjà fait plein de nouveaux amis…

Pendant les mois suivirent cette première visite, Mathilde s’investit à fond et intègre dans « La Terre Nouvelle ». Elle et Jonas font maintenant partie des lieux… Jonas a intégré l’école et s’épanouit de jour en jour. Les vielles blessures commencent à guérir. Mathilde s’y sent si bien qu’elle a commencé à faire essaimer ce lieu dans d’autres quartiers de Genève grâce à son réseau de journaliste. Ce concept des « oasis » dans les villes urbaines séduit de plus en plus. L’échange qui a eu entre le monde externe et « La Terre Nouvelle » a donné comme résultat des nouveaux ateliers d’écriture, de la découverte de soi… Un nouveau restaurant a vu le jour. On y cuisine avec les invendus des grandes surfaces. A la place de l’ancien marché aux puces, on a les expositions des artistes locaux. Les associations avoisinantes sont venues plantes des arbres et un nouveau jardin est né. On y trouvent des oiseaux qui chantent et on y trouve le calme et la paix…

Mathilde et Jonas y vont souvent. Plus pour exprimer la tristesse, mais pour sourire à la vie.

Et c’est ainsi que leur vie a pris un autre tournant.


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