La plume au goût d’érable

Récit imaginé par Laetitia Gangloff, Annick Honorez, Vanessa  Weck, Makan Fofana  et facilité par Vanessa Weibel dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 29 avril 2021

Thème de l’atelier: Et si nous imaginions des îlots de nature protégés de l’espèce humaine ? 


Dans les bruits de la forêt matinale, la jeune mésange s’active afin de  construire son nid. De branches en branches, elle recherche la feuille, la brindille, le fruit sec qui viendra décorer son nid. Dans le ciel, les nuages filent poussés par le vent du Sud. Au loin, parviennent les bruits étouffés de la ville, l’espace des hommes. Dans ses rues, déambulent des individus, et parmi eux une femme.

Les cheveux sombres de la poétesse mystique, Enola, ondulent dans le vent donnant un reflet roux à sa crinière. Elle fait vaciller son corps un peu partout, débordant de puissance. Au milieu du chemin, se trouve un Boui-Boui : Le grand phare Égyptien. Elle demande au garçon du Boui-boui :

– Hey ! Une crêpe à la confiture de rhum !

– Vous ne préférez pas une crêpe au miel ou sirop d’érable?


Elle fixe le patron du Boui-boui d’un oeil tenace. Il recule d’un pas, effrayé par le regard bi-colore de la poétesse. Elle reprend son chemin, une crêpe gratuite à la main, de quoi inspirer quelques quatrains pour la route. Enola se réveille au milieu d’une clairière boisée, ne sachant pas comment elle est arrivée dans ce lieu si étrange. Les rayons du disque solaire plongent sur son visage de lune. Elle s’esclaffe de cette surprise, elle qui, il y a quelques heures s’empiffrait de crêpes. Elle rit, récite des vers, chante à tue tête… 

La poétesse n’a pas vu, là haut, la petite mésange en train de faire son nid. Celle-ci n’aime pas cette intrusion et encore moins humaine ! Elle crie mais la poétesse se perd dans une transe. Elle s’énerve, fait savoir qu’elle est là, perd quelques brindilles qui tombent dans les cheveux de la  poétesse mais tout occupée à son délire de bonheur, elle ne sent rien. Ouf..

Soudain, elle perd une plume, une jolie plume verte qui tombe en spirale, lentement, la jeune mésange veut récupérer sa plume, elle plonge tel un cormoran sur un poisson, mais la plume est arrivée devant les yeux vairons de la poétesse à la crinière rousse qui s’ébahit de ce cadeau du ciel et la prend dans sa main, la  regarde..  .Enola et la mésange sont maintenant les yeux dans les yeux, surprises, le souffle coupé, le temps se suspend, l’air ne bouge plus. Enola ressent une étrange composition d’elle-même, un corps frêle, des ailes… l’oiseau lui dit « tu ne peux pas rester ici, les humains sont interdits!!! » Enola, interloquée, se promet de ne plus jamais manger de crêpes chez le charmant garçon du boui boui. Mais l’oiseau poursuit: je vais te ramener vers chez toi, cependant tu dois promettre de ne plus revenir… viens »  La mésange, ronchonne, fâchée de devoir quitter son nid en construction. Elle se place devant Enola et avance dans la forêt. Sur le chemin, Enola, découvre des odeurs nouvelles, rien à voir avec l’odeur de la ville et des fleurs magnifiques, Elle se sent pousser des pétales de roses, légers. Elle croise un troupeau de biches, découvre en elle la meute, le museau, les oreilles qui captent le moindre bruit, Enola est attirée par un grand chêne, surprise du titillement du mycellium sous ses pieds/racines, foisonnement de sensations, symbiose, Enola est le vent, la feuille, l’humus, la sève….

Notre héroïne est enfin de retour chez elle, transformée par cette magnifique expérience, mystique et tellement réelle. Depuis son plus jeune âge, elle ressent un vide, ne se sent pas à sa place. Pour la première fois, au milieu de cette forêt interdite à l’homme, elle s’était sentie vivante!  Elle comprend que l’Etat a décidé de mettre en place une législation pour protéger la nature des humains, mais les a ainsi privés de leur lien aux vivants. 

A l’issue de cette aventure, elle décide de tout faire pour réintroduire la nature dans les villes. Pour redonner du sens à la vie de ses habitants.

Dans la forêt, le calme est revenu. Accroché à un buisson, un bout de tissu de la jupe de la poétesse mystique. La jeune mésange hésite, serait-ce une bonne décoration pour son nid, un souvenir de cette rencontre à conserver ?