Intelligence collective au gouvernement

Récit imaginé par Yohann Reverdy, Nicolas Crampagne, Delphine Vial, Elisabeth Gleizes et facilité par Mathilde Guyard dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 19 mai 2021 en partenariat avec Plus belle la politique.

Thème de l’atelier: Et si nous nous imaginions un.e président.e qui prenne ses décisions en accord avec les valeurs humanistes, écologiques et démocratiques , qui l’auront amené.e au pouvoir ? 


Mai 2023. Palais de l’Elysée


Malgré quelques clusters de-ci de-à, l’épidémie de COVID semble enfin sous contrôle et après une session parlementaire particulièrement intense, la Présidente profite enfin d’un moment de calme et de détente. Le printemps est arrivé et elle devise agréablement avec Jean-François Lazarus, Majordome de l’Elysée, sur le plaisir d’un bon repas par une journée ensoleillée. Quand tout à coup, son téléphone sonne. Un peu ennuyée à l’idée de rompre cette bulle de tranquillité, elle hésite à répondre mais devant l’insistance de l’appel, elle finit par décrocher. Lazarus remarque aussitôt son changement de physionomie. La voilà blême et tendue mais impossible de savoir de quoi il s’agit. Elle se contente de questions brèves et d’acquiescements. La curiosité de Lazarus est à son comble. Quand enfin, elle raccroche, elle reste quelques instants pensive puis se tourne vers lui.

– Lazarus, je vais devoir écourter ce bon déjeuner, la ministre de la santé vient de m’informer de la survenue de plusieurs poches de contagion COVID dans le sud et le centre du pays. Les gens présentent des symptômes très inquiétants et il y a  des jeunes parmi les personnes gravement touchées. Je convoque de ce pas un conseil extraordinaire. Pouvez-vous nous faire apporter de l’eau et du café dans la salle du conseil des ministres ?
“Conseil extraordinaire, mmmm ? ou nouveau conseil de défense ? Finalement, elle est bien comme les autres, dès que cela devient réellement difficile, les mauvaises habitudes reprennent le dessus”. pense Lazarus.

Ainsi convoqués, les différents ministres disponibles se retrouvent dans la salle du conseil. Curieux de la suite des événements, Jean François s’occupe lui-même d’apporter eau, café, thé pour les participants. Après toutes ces années de majordome, il a appris à se faire si discret qu’il en est presque invisible. D’autant que les “puissants”, ou ceux qui se rêvent comme tels, ont pour beaucoup la déplorable habitude de confondre le personnel avec les meubles ! Combien le reconnaîtraient s’ils le croisaient dans la rue ou sans son uniforme ? Mais aujourd’hui, cela tombe bien, et il en profite mine de rien pour tendre l’oreille et entrevoir ce qui se profile. La Présidente propose la constitution d’un conseil élargi et de déléguer le soin au CESE de constituer un conseil citoyen.

“Va-t-elle nous refaire le coup de la convention citoyenne ?”, se dit Jean François. Elle charge les ministres présents et son secrétaire de convoquer pour la fin d’après-midi la direction du CESE, les directions des principaux partis politiques, des syndicats, des ARS et des principaux hôpitaux. 

Lors de cette réunion, elle leur annonce la création du conseil citoyen sous la responsabilité du CESE, en indiquant que ce conseil comportera des éléments issus de leurs groupes et s’appuiera sur les compétences et leur expérience afin que tous travaillent ensemble à la définition d’une politique de gestion de la situation. Les préconisations seront faites par le conseil mais celui-ci devra s’astreindre aux règles et principes suivants:  
– prises de décisions décentralisées, conseils de décision représentatifs de la société et des parties prenantes, transparence des décisions prises, indicateurs de mesure de l’efficacité des mesures prises, ajustements des politiques en fonction de l’efficacité et des situations locales.   
– prendre en compte les erreurs des crises précédentes et capitaliser sur les actions couronnées de succès à l”étranger.  
– les décisions doivent être prises de façon démocratique et ne doivent pas porter atteintes aux libertés fondamentales. 

Le conseil aura 15 jours pour établir sa stratégie et faire ses propositions. Des allers-retours avec le gouvernement et le conseil élargi seront fréquents autant que de besoin. Dans l’intervalle, la Présidente décide avec les ministres de l’économie et de la santé de ressortir les masques et de renforcer le protocole sanitaire,  ainsi que la mise en place du télétravail. Passé ce délai, le gouvernement s’engage à ne pas avoir recours à l’état d’urgence (qui de fait ferait perdre toute signification au mot “urgence”). Ainsi le CESE convoque des membres de la société civile afin de convenir ensemble des décisions à prendre. Le CESE et ces même membres donnent les principes directeurs de gestion de crise.

Quinze jours plus tard, comme prévu, la Présidente organise une allocution publique sur toute les chaines officielles. “Concitoyennes, Concitoyens, Aujourd’hui c’est avec courage et détermination que j’informe avoir pris la décision d’appliquer à la lettre les recommandations faites par le conseil citoyen. Je m’engage au nom de l’ensemble du gouvernement à mettre en œuvre la politique définie par ce groupe de travail et respecter les règles définies et à ce que les Assemblées puissent exercer leur devoir de contrôle.

Lazarus qui était en congés ce jour-là, a suivi la conférence de presse à la télévision comme près de 25 millions de français. Comme eux, blasé et s’attendant au pire comme la reconduction de l’état d’urgence faute d’accord sur les règles de gestion de cette résurgence de l’épidémie et les moyens pour la juguler. Il a failli se décrocher la mâchoire en entendant la Présidente et le Conseil Citoyen. Un sourire un peu timide encore s’est dessiné sur son visage, in petto “Elle me ferait presque regretter de pas avoir voté pour elle. ” se dit-il