Cherbourg, une ville résiliente face à la grande tempête de décembre 2050

Récit imaginé par Marie-Aline, Solenn, Jean, et facilité par Hermeline dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 12 décembre 2023 en partenariat avec l’ADEME

Thème : Et si la France était neutre en carbone en 2050, dans le scénario 2 ?


 Maëva habitait au bord de la mer depuis son enfance. Elle était née ici, voici 30 ans, en 2020. La côte, elle la longeait chaque matin à vélo, de concert avec ses collègues de la centrale de retraitement des déchets nucléaires de La Hague. Des matières qui n’étaient d’ailleurs plus des « déchets », mais des ressources pour la centrale nouvelle génération, mise en service en 2040.

Les travailleurs roulaient tranquillement côte à côte, sifflotant joyeusement, en direction de la centrale ; ça rappelait à Maëva le pédibus qui l’emmenait, enfant, à l’école.

La ville de Cherbourg s’était montrée exemplaire par les nombreux arbres plantés ces dernières décennies pour favoriser l’infiltration des eaux de pluie et régénérer les sols, redonnant ainsi de la place aux autres vivants, animaux et végétaux, dans les zones urbaines et péri-urbaines. Le bruissement des branches, les cui-cui des oiseaux terrestres et marins qui cohabitent, étaient le concert quotidien des passants.

Le mercredi soir, le RDV incontournable de Maëva était de retrouver ses ami.e.s à La Réparette, l’atelier de réparation participatif, proche de sa résidence intergénérationnelle. Elle passerait prendre son violon, mais aussi Monique, leur doyenne, en attelant sa remorque à son vélo. Elle animerait la soirée de ses mélodies anglo-normandes, tandis que le maraîcher du coin vendrait ses légumes, fraîchement récoltés par les bénévoles de la coopérative. Pendant ce temps, Hugo, bon bricoleur, et par ailleurs fou amoureux de Maëva, réparerait et entretiendrait les vélos indispensables aux jeunes pour aller au collège et au lycée.

La tempête était annoncée. Comme d’habitude, la commune s’était préparée : écoles suspendues, télétravail, commerces fermés, réserves alimentaires pour une semaine. Tout le monde devrait se calfeutrer pendant 24 heures… Hugo et Maëva avaient débarrassé le rez-de-chaussée et aidé les voisins à faire de même. Ils avaient l’habitude de la vie en collectivité, et d’aider les habitants du quartier.

Elle vit arriver les nuages et les rafales de vent, puissantes comme jamais auparavant. Elle aperçut, à l’entrée de la rade, quantité d’embarcations chahutées par les immenses vagues. C’était des bateaux de fortune que la tempête rabattait vers la côte. Pourvu que leurs occupants rejoignent le rivage sains et saufs…

Il y eut 150 mm de pluie en huit heures, le coup de vent entraîna une submersion de trois heures. Ils craignaient que les dégâts ne soient pas que matériels !

La mer s’était finalement retirée en fin de nuit avec la marée descendante. On voyait, dans le petit jour blafard, la foule des réfugiés serrée dans les encoignures des bâtiments du centre-ville. Maeva comprit qu’aujourd’hui elle n’irait pas à son travail et qu’il y aurait beaucoup d’ouvrages dans les heures, jours et mois à venir, pour gérer l’arrivée de ces nouveaux arrivants.

Elle appela ses collègues de la Coopérative Alimentaire. « Les agriculteurs doivent envoyer d’urgence de quoi nourrir plusieurs centaines de personnes », leur dit-elle.

Les bénévoles de la SNSM étaient épuisés d’avoir secourus toutes les personnes dont les frêles embarcations avaient été rabattues sur la côte. Pourtant, ils continuaient à apporter, ici des couvertures, là à conduire les personnes âgées et les enfants au sec, dans les écoles et les gymnases.

La ville avait déjà recueilli des migrants : la coopération et l’entraide au sein de la commune étaient assez efficaces. Une équipe médicale du centre hospitalier était intervenue rapidement.

Finalement, la submersion n’avait fait que peu de dégâts visibles. Les aménagements, construits par la ville il y a une vingtaine d’années, avaient été conçus pour supporter les submersions. L’idée avait été de « vivre avec » : on n’empêche pas les submersions, mais on s’arrange pour que l’eau puisse être évacuée rapidement quand la mer se retire.

L’urgence avait été immédiatement comprise par les citoyen.ne.s coopérant avec les sauveteurs. Le système d’alerte avait bien fonctionné. Bilan : aucune victime à terre (mais on ne savait pas encore combien de réfugiés n’avaient pu gagner le rivage).  Finalement, la ville avait montré sa résilience dans la tempête.