06 Juil César ou une médecine sans plastique pour soigner ses méfaits
Récit imaginé par Christelle Teneveau, Valentin Alemany et Jessica Laik et facilité par Carole Zagouri dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 06 juillet 2022 en partenariat avec Plastic Odyssey.
Thème de l’atelier: Et si en 2038, la France apprenait à vivre sans plastique ?
5h du matin, le jour se lève à peine.
A vélo dans mon quartier toulousain, j’avance sans me presser. Je ne suis pas en avance, mais je n’ai pas envie d’arriver en sueur : il fait bien assez chaud près du four à pain ! La lumière de mon feu avant n’éclaire pas très loin, pourtant je repère deux lueurs mouvantes à cinq cent mètres de ma position.
A 55 ans, mes yeux sont encore plutôt bien conservés – sans doute grâce à mon métier manuel pour lequel je n’ai pas eu à passer des heures devant un écran numérique. Je distingue à présent les contours d’une forme poilue immobile dont les petits yeux reflètent la puissance de ma dynamo.
En arrivant à sa hauteur, je suis étonné qu’elle ne s’éloigne pas, mais comprends très vite que la situation est anormale… J’aperçois une branche cassée, dépassant du bas-côté, étrange. Je dépose mon triporteur en bambou pour dégager l’animal, un raton-laveur !
Depuis quelques années, on retrouve ces nouveaux animaux de compagnie de plus en plus fréquemment dans les aires urbaines qui leur fournissent un habitat temporaire, en attendant la restauration de leurs milieux naturels.
Sanguinolent, je décide de l’emmener jusqu’à la clinique la plus proche. Lorsque je le place dans la cagette de mon porte-bagage, j’entends sa respiration haletante devenir rauque et je m’inquiète. Il faut que je fasse vite !
6h, ça risque d’être chaud pour trouver quelqu’un pour le soigner à la clinique vétérinaire…
J’arrive devant la clinique vétérinaire du docteur Dumas au Mirail. Cela faisait maintenant dix ans, date du décès de ma femme, Catherine, que je n’étais pas entré dans un centre médical. Il y a quelqu’un, miracle. J’avais lu dans les journaux que la médecine avait dû s’adapter à la réduction de la production et de consommation de plastique et s’était tournée vers des techniques plus naturelles. Mais pour moi, ce nouveau système de santé était une hérésie, impossible de soigner des maladies avec des plantes ! J’avais donc stocké des médicaments pour pouvoir me soigner lorsque j’étais souffrant.
Je passe le pas de la porte et je découvre un cabinet de curiosités très différent des centres de santé que j’avais fréquenté par le passé et notamment de l’hôpital où ma femme était soignée.
On se croirait dans un jardin botanique. Ça sent bon et cette odeur tranche avec celles que l’on connaît de l’hôpital ; celle du désinfectant auquel j’étais tant habitué.
Mais comment peut-il résoudre le problème respiratoire du raton laveur avec des plantes ? Le petit animal a besoin d’un traitement médical d’urgence si on veut lui donner une chance de survivre ! Ne serait-il pas judicieux d’avoir recours à un procédé plus poussé, comme une IRM, malgré l’usage de plastique ? Pour sauver la vie d’un être vivant, cela semblerait pourtant approprié… Et puis, si nous avons un « budget plastique », pour quel autre usage que de sauver des vies pourrions-nous l’utiliser ?!
Le médecin ausculte son petit corps pendant de longues minutes et se plonge dans ses manuels et encyclopédies. Après avoir parcouru quelques pages, il semble avoir trouvé l’antidote et se lance dans la confection d’un cataplasme à l’aide de plantes et d’huiles.
Je l’observe, interloqué, et inquiet pour la destinée du petit raton laveur. Vous allez le laisser mourir si vous continuez à faire votre herbier au lieu de le réanimer !
13 heures, cela fait maintenant de longues heures que je patiente. Le médecin me dit que c’est normal, qu’il faut laisser le temps au corps d’assimiler les soins pour se régénérer. Moi je pense que ce sont des balivernes et que je perds mon temps, j’aurai dû le soigner moi-même ce beau raton-laveur.
[…..]
Finalement, il reprend vie devant mes yeux. Il respire, il s’agite, il cligne des paupières. Je le vois se rétablir progressivement.
Alors, les médecines naturelles, c’est possible. Pendant si longtemps, je n’y ai pas cru. Je pensais qu’on nous mentait, pour faire passer la diminution drastique de plastique : « arrêtez le Doliprane et passez aux plantes ! » nous disait-on.
Maintenant, je comprends. Peut-être que pour ma Catherine, j’aurais dû être plus ouvert à l’idée de combiner différents types de soins, plutôt que d’être si têtu… Cela nous aurait peut-être ouvert d’autres perspectives.
Je vais passer ma journée auprès de ce petit animal. Après une telle frayeur, il a bien le droit à un peu de chaleur et de réconfort. La boulangerie ouvrira demain. Le travail, ça peut attendre. La patronne comprendra. A une époque, je ne me serais même pas arrêté devant ce raton-laveur. J’aurais passé mon chemin, pressé d’ouvrir la boutique, soucieux d’être ponctuel, inattentif à la nature. Aujourd’hui, je soigne un animal avec des plantes et sans plastique. Les temps changent, moi aussi.