Ayant chanté tout l’été…

Récit imaginé par Melody Jeannin, Nathalie Gilet, Alyona Duclap et Stéphanie et facilité par Caroline Tosti dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 2 décembre 2021

Thème de l’atelier : « Le lien dans l’adversité, quels récits imaginer pour créer, entretenir ou réparer des liens dans un contexte d’effondrement? ». Atelier mené en collaboration avec Charline Schmerber, praticienne en psychothérapie éco-anxiété.


C’est une chaude journée dans les calanques de Marseille. Les membres du collectif « Les fourmis des calanques » sont épuisés mais heureux : c’est bientôt l’heure de leur pique-nique annuel où sont passés en revue les résultats de leur production agricole et où ont lieu les discussions qui leur permettent de s’organiser et de planifier les récoltes futures. Cette année, bien qu’il ait eu de nouveaux records de chaleur, leur nouvelle méthode de culture et d’irrigation à partir d’eau de mer dessalée et d’hybrides a fait des merveilles. Il est bientôt midi et tout le monde est en nage mais pense déjà avec anticipation à la grande fête qui va suivre, les discussions et les plans d’action de résilience. Tous les membres commencent à échafauder des plans pour l’année prochaine en se rendant à la tente qui accueille les festivités. 

Mais en s’approchant des parcelles, un bien triste spectacle attend le collectif. Plus de la moitié des courgettes, des tomates, du blé et du raisin a disparu ! Comment va-t-on faire ? Ces produits représentent une grande partie du garde-manger pour l’année. On avait prévu des ateliers de conservation pour s’assurer de pouvoir manger tout l’hiver. Avec la météo qui avait été difficile cette année encore, on avait dû calculer très précieusement les partages, et on savait déjà qu’il faudrait trouver d’autres solutions car il n’y en aurait pas assez. Qui avait bien pu voler les concombres, les poivrons, les belles blettes ? Pendant qu’une partie du collectif se met tout de même à récolter ce qui reste, une autre se met à chercher des indices. Bientôt, on trouve dans un sillon un bandana, qu’un enfant reconnait : c’est celui d’un camarade de classe, un enfant de la famille cigale, qui habite avec sa famille dans le quartier d’à côté. Le membre qui était d’astreinte hier est certain que le bandana n’était pas là la veille au soir. On pense donc que c’est cette famille qui a volé les récoltes, et on décide d’aller les voir pour essayer de les récupérer. 

Le Maire de la communauté se rend dans le village voisin pour échanger avec son homologue. Il lui indique soupçonner une famille du vol de la récolte. Le Maire du village voisin lui apprend que leurs récoltes ont été très difficiles cette année car fortement touchées par les vagues de canicules. Le système d’irrigation n’a pas suffi. Le maire propose d’échanger avec la famille dans un premier temps, afin de ne pas les braquer car ils sont en grande difficulté. Puis, avec le maire, la famille est alors invitée dans la communauté des fourmis. Chacun échange sur ses besoins, ses compétences, et des axes de coopération émergent.   

Après une période de réflexion et d’adaptation, tous les membres de la famille « cigale » ont compris l’intérêt de l’effort commun et du partage. Les enfants se sont très rapidement faits de nouveaux amis, cela leur manquait beaucoup de passer du temps avec d’autres enfants. Ne voyant pas comment survivre sans une communauté, chacun des adultes, anciens cadres dirigeants, se sont trouvés de nouvelles occupations utiles pour le collectif. Le père de la famille, à sa propre surprise, s’est trouvé une passion pour la fabrication de chaussures, en apprentissage auprès de l’artisan local. Quant à sa femme, elle s’est trouvé un certain talent d’organisatrice et a même lancé une initiative de théâtre local. Les savoir-faire sont alors partagés entre les deux villages, notamment la méthode d’irrigation de la communauté des fourmis des calanques. D’ailleurs, le collectif élargi s’appelle maintenant « Les cigales et les fourmis des calanques ».