Léa arrive devant chez son aîné Arthur, sur la plage de Siouville-Hague. Elle rend en général visite à son deuxième fils, Gabin, qui fait partie des 150 000 bienheureux profitant encore des joies de la vie parisienne. Mais Arthur avait besoin de son aide pour organiser la kermesse de sa résidence : “Au buffet canadien”. Drôle de nom, se dit Léa. Et quelle idée d’organiser une kermesse. Pour qu’elle puisse mieux se préparer, Arthur aurait au moins pu lui donner une indication sur le budget alloué. Arthur accueille sa mère d’un regard amusé, et lui présente les six enfants dans le salon, en pleine séance de réflexion sur les activités de la kermesse. “Maman je te présente le comité de pilotage de la kermesse. C’est auprès d’eux que tu vas contribuer”.

Léa aperçoit le groupe des enfants qui préparent les animations de la kermesse : des jeux en bois, des animations de théâtre, des instruments de musique, des spectacles de marionnettes… Les idées fusent, les échanges sont dynamiques. Et même si c’est un joyeux mélange, on sent une certaine organisation. Intriguée, elle va les voir pour leur proposer de l’aide : ça a l’air bien tout ça mais ils ne parlent toujours pas d’argent, bon sang !

Les enfants l’accueillent et lui expliquent toute l’organisation prévue. Elle est impressionnée par leur maturité. Mais ses pensées sont toujours orientées vers le budget ! Maladroitement, elle leur demande :

“- Vous avez décidé de ça tous seuls ?

– Bah oui on a l’habitude ! répond l’un des enfants.

– Wouah, bravo ! Mais vos parents sont d’accord pour le budget ?

– Le budget ça veut dire quoi ? Le plus important c’est que tout le monde passe un bon moment non ?

– Oui c’est super mais vous savez, c’est aussi important de faire attention à l’argent !

– Hahaha mais non c’est pas du tout l’important, tu te trompes totalement ! Tu viens juste de débarquer, ça se voit !!! rigolent en coeur les enfants

– Et oh, vous pourriez me parler d’un autre ton s’il vous plaît ! Vous avez beaucoup à apprendre de moi et de mon expérience… Vous savez, j’ai

voyagé dans beaucoup de pays ! – réplique Léa, fâchée

– Ouais tu peux nous apprendre des choses, mais nous aussi tu sais.

– Mouais… c’est possible, mais vous savez moi je peux vous dire que j’en ai géré des budgets et je peux vous donner un coup de pouce sur l’argent.

– Pfff, pas besoin d’argent ! Ce qui compte c’est d’être ensemble. Ici, par exemple, personne n’est exclu : on prend soin les uns des autres. C’est ça la vraie richesse ! Par exemple, les personnes âgées ne souffrent pas de solitude, isolée dans leur maison individuelle. Elles sont là pour transmettre le CS.

– Le CS??

– Oui c’est ce que tu peux nous apporter, c’est le Capital Sagesse ! Tu as dû le développer pendant tes voyages non ?

– Ah je vois, mais vous avez d’autres capitaux comme ça ?

– Bien sûr, le Capital Bonté, le Capital Créativité, le Capital du Vivant… – énumèrent tour à tour les enfants. Et c’est pour ça qu’on a pas besoin d’argent.

– Vous me faites une blague, c’est ça ? Puisque c’est comme ça je m’en vais alors ! Je crois que mon fils Arthur a besoin de moi.

Léa : C’est difficile de discuter avec ces enfants ! Ils utilisent plein de mots mais je ne comprends pas leurs sens, tu comprends toi ?

Arthur : mais maman, ils ont grandi ici elleux, tu veux que je t’aide avec quelque chose ?

Léa : Oui, comment vous faites pour préparer la kermesse et trouver le matériel si vous n’avez pas de budget ?

Arthur: Ici, nous n’avons pas de budget, les enfants ont toute la liberté qu’ils veulent. Quand ils leur manquent quelque chose, soit ils demandent à quelqu’un de leur prêter, soit ls inventent un nouveau jeu avec ceux qu’ils ont. La contrainte est toujours source de créativité tu sais ! Je suis sûr que cette année on aura le droit à des activités encore plus drôles que l’année dernière ! T’aurais dû voir !

Léa : Oui, ils ont essayé de m’expliquer et de leur donner mon “Capital Sagesse”. Je connais un jeu que j’ai fait souvent en Argentine. Ça s’appelle Elfe, Sorcière, Ogre, je suis sûr qu’ils vont adorer !! Je vais aller leur présenter l’idée pour jouer avec eux. Aller j’y vais, à ce soir, c’est toi qui cuisine, hein ! “

Léa venait de passer à peine 3 heures dans ce nouveau lieu et cela lui semblait une éternité. Elle n’avait jamais eu de discussions aussi intenses avec des mineurs et s’étonnait de leur vision du bien commun, et avait envie de s’amuser avec eux. Malgré ses années de voyage, elle n’avait jamais envisagé le capital sous de tels angles.

– Mais comment en êtes-vous arrivés là ? demanda-t-elle enfin à son fils

– Connais-tu l’expression “buffet canadien” ? c’est de cette philosophie que le lieu a été créé il y a 22 ans. Le principe est que pour un dîner chacun apporte ce qu’il souhaite pour créer un joyeux repas surprise, qui reflète chacun des convives.

Léa se sent galvanisée, elle se dit qu’elle peut apprendre beaucoup de cette nouvelle richesse. Elle posera ses bagages ici et voyagera d’une autre manière, pour explorer les diversités de culture autour des nouveaux capitaux !