25 Mai Après la submersion, la coopération
Récit imaginé par Flavie Cassam Chenai, Chloé Allègre, Isabelle Guerry Buisine et Ronan Léonard. et facilité par Priscille Cadart dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 25 mai 2023
Thème de l’atelier : Et si la France était neutre en carbone en 2050 grâce aux coopérations territoriales (scénario 2) ?
Je suis installée sur ma table habituelle de ma petite cantine préférée de Dunkerque où j’habite de manière définitive depuis maintenant 4 ans. Et je ne peux pas commencer l’écriture de ce récit sans vous parler de cette ville de cœur qui m’a adoptée. J’ai pourtant sillonné la France d’est en ouest et du nord au sud à la découverte de communautés plus riches les unes que les autres, récits que vous pouvez retrouver en détails sur mon blog. Mais je suis revenue à mes premières amours et à cette ville merveilleuse de Dunkerque où j’ai atterri il y a maintenant 10 ans après mon enfance à Lagos, au Nigeria. Et je suis plus qu’honorée de vous partager pour la première fois ici dans la gazette dunkerquoise mon aventure.
J’ai découvert ici une entraide, une coopération et une solidarité comme jamais ailleurs. J’habite un ancien coron désaffecté avec plusieurs exilés comme moi, l’endroit a été magnifiquement éco-rénové avec pleins d’espaces partagés et notamment des petites cantines implantées partout dans la ville où nous pouvons cuisiner entre résidents du quartier, des espaces verts et jardins suspendus sur pilotis, des fermes urbaines. Nous apprenons à cuisiner ensemble et entre cultures différentes, des légumes, plantes et légumineuses qui me surprennent toujours. Cette variété et cette diversité sont une richesse qui ne serait pas possible sans la diversité de nos origines. L’entraide est palpable au quotidien avec la collectivité, la mairie et les villes alentours et cela nous a été particulièrement bénéfique pour surmonter ce que je vais vous raconter maintenant.
C’était le 17 août 2050, en pleine période estivale et alors qu’on devait procéder aux récoltes. On aurait pu s’y attendre. C’était prévisible : malgré les efforts d’anticipation, on n’arrête pas les éléments. Nous savions qu’elle allait arriver. La vague. J’ai déjà vécu ça au Nigéria, l’eau qui monte, déferle dans les rues, qui rentre dans les terres sur plusieurs kilomètres, inondant tout sur son passage : maisons, routes, champs.
Un désastre ! Des centaines de familles ont dû quitter leurs habitations, fuyant vers les zones non inondées. Les cultures ont été ravagées, anéantissant toutes les récoltes, notamment de pommes de terre et de betteraves.
Mais l’adaptation et l’anticipation sont notre force. Cela faisait déjà plusieurs années qu’on s’y préparait : une catastrophe annoncée qui faisait l’objet de la plupart de nos réunions locales associant la mairie de Dunkerque, les citoyens, les entreprises et associations locales.
Les jardins et fermes urbaines sur pilotis en béton de chanvre ont résisté à la submersion, les jardins hors sol en arrière de la ville nous ont permis de conserver une partie des récoltes. On avait aussi fait des stocks de légumineuses et de céréales.
Les accords de coopération passés ces 20 dernières années avec les agglomérations à l’intérieur des terres les plus proches de Saint-Omer, Hazebrouck, Lille et Courtrai en Belgique, nous ont aidé à développer notre résilience alimentaire et notre capacité à accueillir les familles sinistrées.
La magie de toute cette coopération a opéré, me rappelant la manière dont on avait géré les différentes catastrophes vécues à Lagos, avant la dernière submersion trop dévastatrice, qui m’avait obligée à fuir le Nigeria. Tout le monde a œuvré, chacun à son niveau. Quel émerveillement de voir ce dont l’être humain est capable dans ce type d’événement ! Quelle fierté de voir la communauté des récents migrants climatiques agir pour aider, chacun apportant ses compétences liées à l’expérience précédemment vécue des catastrophes climatiques !
Finalement j’ai l’impression que nous sommes sortis par le haut de cette situation. Nous avons compris davantage la force de notre communauté dunkerquoise (et des territoires voisins) et aussi le pouvoir de notre mixité entre les Dunkerquois de cœur et d’adoption. Je suis très émue d’avoir pu contribuer à mon échelle à l’intégration de ces nouvelles personnes qui ont fait preuve de résilience. Ces nouveaux arrivants nous ont montré la voie par leurs expériences de situations douloureuses du passé, elles ont eu un sang froid incroyable pour relever ce défi. Je n’ai jamais douté de cela et je suis soulagée que chacun s’en rende compte désormais.
Si je dois retenir un moment de cette crise c’est comment Fatima, arrivée depuis à peine 1 mois, a pu montrer la bonne technique de drainage des sols, pré-requis indispensable pour replanter au plus vite et réatteindre à court terme notre indépendance alimentaire.
Je souhaite remercier une nouvelle fois ma communauté, qui me suit depuis de nombreuses années pour avoir débloqué certaines situations ou su nous mettre en relation avec les bonnes personnes à des instants cruciaux. En soi nous sortons tous grandis et la coopération sur notre territoire s’est intensifiée.