20 Déc A bois le patriarcat !
Et si en 2050, on imaginait une société libérée du patriarcat ?
Imaginez:
La société a atteint un niveau de maturité collective qui a permis de revenir à la racine des problématiques écologiques et sociales de notre siècle. En remettant en question le patriarcat, une nouvelle société a émergé, aux valeurs radicalement différentes de celles du début du siècle. Ces valeurs se sont matérialisées dans les relations humaines comme dans la vie quotidienne. Naître homme n’est plus un privilège ni un fardeau.
Naître homme n’est plus associé à une exigence de virilité. On ne parle plus de féminité.
On ne parle plus de masculinité .
On parle d’humanité.
On parle tout simplement d’humains toutes et tous soucieux.ses de leurs vulnérabilités, de leurs forces et de leurs relations à soi, aux autres et à la planète.
Récit imaginé par Jean Vanderelst Aurélie Darmon, Bénédicte Quinet, Quentin Rochat, et facilité par Nathalie Gilet dans le cadre l’atelier Futurs Proches réalisé le 8 novembre 2022 en partenariat avec Myceli’hommes.
« Et si au-milieu de ce bois dans lequel on m’a recyclé il y a des dizaines d’années, je pouvais encore servir aux enfants », disait le vieux banc! Cela faisait des lustres que ce vieux banc en bois auquel était attaché par le bas la table d’écriture, ne servait plus a rien! plein d’animaux de la foret y passaient, le reniflaient, y jouaient, mais cela ne remplaçait pas les enfants; Jusqu’au jour où il entendit arriver une joyeuse troupe d’enfants: « des filles, des garçons? Bigre »,se dit le banc, « difficile de discerner toutes ces frimousses joyeuses, qui traversent la foret; » bizarre dis-le banc, « a mon époque j’aurais vu de suite: les chenapans qui se tapaient dessus, d’autres qui ennuient les filles; des filles habillées comme des princesses et jouant a la corde en sautillant légèrement.Mais là ???? Je ne comprends pas!!!
Les enfants ne comprennent pas bien de quoi il s’agit en voyant cet objet étrange dans la forêt. Ils prennent les scies, marteaux, et tout leur matériel habituel de travail en forêt. Les uns scient les pieds, les autres démontent la tablette. Ils voient déjà comment la relier aux branches et au trou dans la vieille souche à côté. Il y a de la mousse, des feuilles, des hautes herbes, des fougères. Tout ça est rassemblé. Les un⋅es pensent à prévoir une place pour les grand⋅es, pour les plus petit⋅es. Il y a un espace un peu plus haut pour les oiseaux et les papillons.
« Quoi », s’exclama le feu pupitre d’écolier, « me voila maintenant séparé, ma chaise est libérée de mon pupitre,
tous les deux avec une nouvelle identité. Je me sens tiraillé, perdu, où est mon utilité ? La force qui reliait la chaise au pupitre s’était effondrée, le laissant fragilisé. Mais les enfants n’avaient pas idée de cette nouvelle vulnérabilité qui l’habitait. La fragilité n’est pas à cacher, elle est source de créativité.
« qu’allons nous en faire? »se demandèrent-iels.
L’un deux répondit « amusons nous, construisons un toboggan ».
« Adieu rigide pupitre d’écolier où jadis les enfants devaient se tenir tranquilles et droits comme des piquets, je peux maintenant devenir un endroit où jouer et où iels peuvent se défouler. »
Après tout ce travail, le banc ne se ressemble plus tout à fait mais il se reconnaît. Il comprend mieux tout ce qui l’entoure, il fait corps avec les unes et les autres. Avec ceux qui grimpent, celles qui glissent, ciellent qui arrivent d’en haut ou d’en bas. Il n’a jamais été aussi beau!
Me sentir à nouveau mais tout autrement, me sentir comme toboggan et non plus comme banc, sentir la joie des enfants et leur pouvoir de guérison. Un grand frisson qui me parcoure. Etre à nouveau moi, mais différent. Toujours cet objet de bois et de fer au service des enfants mais d’une toute autre manière. Il a fallu que je traverse le temps, que j’éprouve la solitude et les effondrements pour me trouver, pour qu’on m’aide à me transformer. Fuir les conditionnements qui nous attachent contre notre gré. Me reconstruire en terrain de jeu et toucher, de mon bois, enfin le sol … Retourner à mes racines, reprendre contact avec le tendre humus de la forêt, me relier à tout ce qui vibre, vibrillionne, virevolte au sein de la terre. Et moi, peut-être, redevenir arbre …