Ramdam à Méneham

Récit imaginé par Mathilde Bullot, Aurélien Mosson et Hermel Jaworski et facilité par Carole Zagouri dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 14 octobre 2021 en partenariat avec Génération Ecologie)

Thème de l’atelier:  Nous sommes le 3 novembre 2026. Depuis bientôt 5 ans, la France mène une politique décroissante planifiée, volontaire et salutaire. Et si nous imaginons le quotidien de citoyen.ne.s dans ce futur proche ? 


Tout en admirant le champ semé, Rosa regarde le ciel, les nuages et se dit qu’aujourd’hui tout semble calme. Le jour commence à baisser, la fraicheur se fait sentir, il est temps de rentrer au village. Meneham est juste à quelques encablures en bas. Le chemin qui descend en pente douce est rempli des parfums de l’automne. Rosa est heureuse, elle va retrouver Camille, son petit bout de chou qui l’attend probablement assis.e dans le salon de la maison commune avec ses camarades du village. « Iels doivent encore écouter les histoires du monde d’avant du vieux Gérard » se dit-elle en souriant. Elle presse le pas, elle a hâte de lui montrer son panier rempli des choses merveilleuses ramassées dans les champs et dans les bois. Chemin faisant, elle se rend compte que le grand chêne est fendu en deux. « Probablement une victime de plus de la précédente tornade… ». 

Revenue à la maison commune, elle est surprise de retrouver Camille sans ses camarades, l’air triste, qui dit qu’iel a fait un malaise pendant la séance de méditation au début du cours de biologie. Rosa l’emmène au cabinet médical, où elle espère comprendre ce qui se passe pour Camille. En arrivant, dans la première pièce du cabinet, ielles trouvent un atelier animé par l’herboriste-sorcière sur le pouvoir des plantes. Les deux sont reçue.s dans un petit bureau à côté, pour un entretien médico-psychologique qui les oriente vers la psychologue du cabinet : le malaise de Camille serait une somatisation d’une anxiété liée à un changement qu’elle ressent dans l’atmosphère et la convivialité du village… ceci suite aux récentes tornades qui, bien qu’elles n’aient pas détruit le village, ont fait peur à beaucoup. Camille trouve que les gens se parlent moins qu’avant, et se sent en insécurité émotionnelle. Étant coordinatrice du conseil de village, Rosa décide de proposer aux habitants un groupe de parole intergénérationnel sur le sujet, selon une méthode innovante pour libérer la parole, recréer du lien et envisager des solutions communes aux inquiétudes de la population. Dans les mois qui suivent, ces groupes de parole sont un succès et la convivialité revient peu à peu. 

En cette fin de journée, Rosa sort de la maison commune et savoure la petite brise fraîche qui passe sur ses joues. A ses côtés, Camille a l’air apaisé.e, heureux.se. L’atmosphère sérieuse, profonde, parfois pesante du groupe de parole a laissé place à une spontanéité de rires, de sourires et de tintements du verre de l’amitié – le jus de pomme bio de la coopérative arrive à point nommé ! Dans le pays Pagan, ce petit bout de Finistère où se trouve Meneham, les habitants des autres villages aimeraient bien qu’elle et son enfant viennent leur partager tout ce qu’iels ont appris. « Il y a de la place dans notre véhicule à pédale ! Venez donc avec nous ! » « Nous ne sommes pas les seul.e.s à avoir des idées, on peut aussi faire venir Gwen, et Marguerite, et Abigaïl ! » s’exclame Camille. Au repas collectif, tout le monde est d’accord pour consacrer quelques heures de plus aux travaux collectifs, afin de permettre aux habitant.e.s de s’absenter et aller enrichir leurs voisin.e.s. Et comme le trajet se fait à la force des jambes, le bilan carbone ne sera même pas impacté !

En voyant le joyeux convoi s’élancer sur la route, la sorcière-herboriste conclut, non sans une pointe d’émotion : « Il faut un village pour élever un.e enfant. Mais il faut certainement un.e enfant pour élever tout un village ! »