Une journée de Lumène

Récit imaginé par Thi Et Lo, Sandrine Gros-D’Aillon (alias Sandee GDA), Mathilde Aladame, Quentin Scandela et facilité par Delphine Bondran dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 28 janvier 2023 à la Maison de l’Environnement de la Métropole de Lyon. 

Thème de l’atelier:  Et si en 2040 la notion de travail avait été remplacée par celles d’activités et de missions  


Jeudi 3 août 2040

J’ai passé une incroyable journée ! Et pourtant, ça avait mal commencé…

Après une nuit particulièrement caniculaire, je me suis endormi.e au petit matin et je n’ai pas entendu le coq chanter.

Heureusement Sylvie, ma coloc soixantenaire m’a réveillé.e après son petit-déjeuner à 7h30… L’heure à laquelle je devais être à l’agora Jean Macé. J’ai sauté dans ma nouvelle salopette, que j’ai fini de coudre hier avec les chutes textiles de la ressourcerie partagée de la rue d’à côté. J’ai couru au cœur de la place Jean Macé pour rejoindre l’agora, à l’ombre des pommiers, entre les plants de courgettes et de tomates. Il faut vraiment que je me mette au sport, c’était trop dur ce sprint matinal… tout ça pour rien ! Les tâches collectives sont déjà réparties et je n’ai même pas pu donner mon avis. 

Je suis devant la liste des missions, affichée sur le tableau commun situé au centre du jardin partagé. Je cherche le nom de Réal, pour m’inscrire avec lui. Il est à l’épicerie solidaire. Quoi, il n’y a plus de place ? J’aurais dû arriver à l’heure. La seule mission qui reste, c’est la collecte des ressources. Sérieux ? C’est quoi, ça ? ça donne pas trop envie… D’après mes grands parents, la collecte, c’était usant et désagréable, enfin à leur époque. Ils ont quand même plus de 80 ans, j’espère que ça a changé. Je regarde, il n’y a vraiment plus d’autre mission, là. Bon, allons-y ! Avec qui je vais être ?

Me voilà avec Rémi, Camille et Titouan. Des quadras que je ne connais pas vraiment. Moi qui voulais tant être avec Réal ! Il y a aussi Saga, un jeune de 14 ans, là pour son stage d’immersion. C’est une première pour moi cette collecte des ressources. On se dirige vers le grand hangar en bois sous la voie ferrée, où est rangé tout le matériel. J’enfourche un vélo-cargo, et nous voilà partis. 

Les plus anciens du groupe ont l’habitude et je les suis avec Saga. Direction les petits commerces, les écoles et les immeubles du quartier. La tournée semble bien rôdée. Aujourd’hui, nous sommes jeudi, c’est le jour de la collecte des bouteilles et du verre. Le lundi, c’est tout ce qui est papier, carton. Le mardi, les textiles. Bref, une collecte différente chaque jour de la semaine. Saga n’arrête pas de me poser des questions sur la collecte. Comment c’est organisé, que fait-on des ressources collectées après… Il est curieux, mais je ne suis pas encore assez réveillé.e pour toute son énergie. Je l’oriente vers Rémi, qui semble le plus expérimenté d’entre nous. Finalement, je me rends compte que c’est agréable de faire le tour du quartier en pédalant, de saluer, de pouvoir échanger un peu avec les gens. Je me sens bien là, dans mon quartier, et utile. La tournée se termine, et nous nous dirigeons à la plateforme de lavage des consignes.

Quand j’arrive à la plateforme, j’aperçois Nora, avec qui j’avais sympathisé la semaine dernière dans l’atelier bio-bitume. On est contentes de se retrouver. Elle me montre l’endroit où je dois déposer les bouteilles collectées. Il y a deux grosses machines vertes en forme de bouteilles géantes, alimentées par l’eau de pluie et reliées aux panneaux solaires de la plateforme. Il faut glisser le chariot de bouteilles à l’intérieur et le système de nettoyage se met en route. Pendant ce temps, je vais boire une infusion avec Nora. Et j’entends alors une voix familière qui demande où est-ce qu’on peut récupérer les bouteilles pour l’épicerie de la « Salade Verte ». Incroyable. C’est Réal. Il rapporte les bouteilles consignées de l’épicerie et vient récupérer des bouteilles propres pour la brasserie locale. « Ah salut Lumène ! Tu es à la plateforme aujourd’hui ? ça te dirait d’aller te baigner dans le Rhône quand tu auras fini ? ». Je lui réponds tout de suite que oui, bien sûr, que j’ai presque fini, en fait, le temps de rapporter le chariot à l’équipe, parce que j’étais à la collecte des ressources aujourd’hui, et je saute de joie à l’intérieur… peut-être à l’extérieur aussi !

Et ensuite, c’était magnifique, dehors je n’entendais même plus le bruit des oiseaux, le klaxon des vélos, le gling gling des tramways, juste mon cœur qui battait très fort, et la respiration de Réal à côté de moi. Je ne me souviens plus vraiment des détails, je me souviens qu’on s’est arrêtés au « bon Miam miam » prendre une salade et que j’ai eu l’impression de manger les meilleurs pois chiches de ma vie alors que je déteste les pois chiches. Ensuite on a rejoint le Rhône, en suivant le chemin d’ombre de Berthelot, je ne me souviens pas de qu’on s’est dits, je me souviens de nos plongeons, de l’eau, des poissons incroyables et multicolores qui nous chatouillaient les orteils, du soleil qui a commencé à décliner… 

Demain matin, nouvelle mission, trop hâte ! Peut-être avec Réal…