Un jour sans Faim

Récit imaginé par Benjamin Virely, Cléa Blanchard, et Florence Lejars et facilité par Mathilde Guyard dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 6 octobre à Chartres lors de la cinquième journée de la COP Centre Val de Loire.

Thème de l’atelier :   « Et si en 2035, une alimentation issue de l’agroécologie, locale et de saison devenait un droit pour les habitants du Centre Val de Loire ? »


Mercredi 26 septembre, Julien se lève rapidement et file dans la salle de bain. Lorsqu’il arrive dans la cuisine, la pendule indique 6h45 mn : il est déjà en retard.

Tant pis, Julien décide de prendre un bon petit déjeuner avec des fruits frais. Hier, il est passé à l’épicerie coopérative en bas de son immeuble et a pu récupérer son panier de produits bio et locaux de la semaine.

Chaque jour, il se réjouit de la mise en place, non sans mal, de la sécurité sociale de l’alimentation. Elle permet à chaque habitant de la région Centre Val de Loire d’avoir accès à des produits de saison, issus de producteurs et de transformateurs respectueux de l’environnement. On lui a dit issus de ‘l’agroécologie’. Lui, tout ce qu’il comprend, c’est que ce sont de bons produits pour la santé, l’environnement et qu’ils permettent aussi à chacun d’en vivre.

Julien a 27 ans et est arrivé à Chartres depuis 4 ans, dès la fin de ses études. Il travaille à la direction des services informatiques d’un hôpital public. Mais aujourd’hui, il ne met pas son classique ‘costume/cravate’ : il enfile juste un jean et un tee-shirt car c’est une journée particulière. En effet, tous les 15 jours, Julien réalise son ‘service civique de l’alimentation’. En contrepartie de permettre à chacun un accès à une alimentation de qualité, locale et de saison, chaque habitant contribue au régime de sécurité sociale en participant bénévolement à des activités nécessaires à la production, transformation et distribution de cette alimentation.

Il reçoit chaque début de mois son planning lui indiquant les jours et lieux de rendez-vous. Cette organisation a été mise en place pour permettre à chacun de contribuer à cette caisse sociale de l’alimentation : les habitants mais aussi les entreprises des autres secteurs qui, en permettant à leurs salariés de participer à ces tâches sur leur temps de travail rémunéré, participent à la prise en charge des surcoûts des produits. On retrouve ainsi le principe de solidarité qui sous tend l’idée même de la sécurité sociale de l’alimentation.

7h15 mn, Julien enfile son blouson, referme la porte de son appartement et descend en sifflotant l’escalier. Il se dirige d’un pas décidé vers la gare.

En arrivant, il découvre sur les grilles de lourdes chaînes qui maintiennent l’accès fermé. Des passants énervés se sont regroupés devant une affiche les informant de la grève déclenchée la veille au soir suite à l’agression d’un conducteur de train.

Julien se questionne alors sur les autres possibilités pour se rendre à Garancière-en-Beauce. Il est particulièrement inquiet car il s’était engagé aujourd’hui à remplir sa mission de service civique de l’alimentation en se rendant sur le site de production de légumes qui fournit son magasin favori.

Il se décide pour une longue marche pour tenter d’arriver quand même à sa destination. Il se dit que c’est une occasion de traverser les paysages qu’il aime tant : entre bocage, prairies, et cultures. Tant de couleurs, d’odeurs et d’ambiance différentes qui lui font ressentir la nature qui l’entoure.

En chemin, il parvient à se faire récupérer par Henri, un ami d’enfance qui se déplace toujours en vélo cargo. Aujourd’hui, Julien a de la chance, Henri doit se rendre dans le village voisin de la ferme dans laquelle il offre ses services. En effet, Henri participe également à sa journée pour la communauté. Contrairement à Julien, Henri travaille dans l’atelier solidaire qui permet aux personnes en manque d’inspiration, de venir cuisiner les produits avec les conseils d’un cuisinier. C’est une démarche très suivie car beaucoup de monde cherche à valoriser les fruits et légumes de saison au travers des recettes originales. Cette coopération permet également de réduire les déchets alimentaires car les quantités sont mieux réparties entre les participants, les épluchures des uns venant servir à faire des chips pour les autres.

Julien ne peut cependant pas s’attarder à l’atelier, il est attendu à la ferme pour aider les producteurs. Il sait déjà les tâches qui devra faire. La 1ère est la moins agréable mais tellement indispensable : désherber à la binette les rangs d’oignons. Mais il sait aussi que la journée se terminera par la récolte des dernières tomates cerises de la saison, encore chaudes des rayons de soleil dont elles auront bénéficié toute la journée. Entre les deux, les activités seront variées ponctuant une journée bien chargée.

Julien reprend alors la route pour faire les derniers kilomètres et coupe à travers les champs pour arriver enfin dans cette oasis de nature, pleine de fruits et de légumes gorgés de soleil et de vitamines.

Il arrive dans le village de Garancières-en-Beauce, où se trouve la ferme qu’il doit rejoindre. Cette exploitation de 10 hectares et 80 vaches laitières, mais aussi maraîchère, fonctionne en polyculture : la prairie composée de luzerne, de pissenlits et d’herbes fraîches permet de nourrir les bêtes une partie de l’année. Elles sont rentrées parfois à l’étable où elles peuvent manger du foin, produit dans le champ voisin. La paille, elle, est ensuite récupérée pour nourrir les sols des champs en jachère. Le blé pourra y pousser au printemps prochain et sera ensuite transformé en farine, puis en pâtes.

Julien est content de retrouver les différentes odeurs et les bruits familiers de cet endroit où il va enfin pouvoir donner de son temps. Il aperçoit au loin Patrice, qui vend ses fromages, son beurre et ses pâtes aux habitants du coin. Léa aussi est là et vend un succulent pesto à l’ail des ours et aux noix. Julien pourra en manger lui aussi quand il aura fini sa journée. Le service civique de l’alimentation aura vraiment permis à plus d’un de se fournir avec des produits locaux, de saison et issus de l’agroécologie. Julien est heureux de voir que les paysages et l’agriculture ont évolué vers plus de diversité et pour préserver la nature.

Et moi aussi, sans cette mare je ne pourrai croasser.