Rafale à la ferme normande

Récit imaginé par Hélène, Ludovic, Iblis Le Guen et Aurélie Quercia. et facilité par Elen Dubos dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 17 mars 2023 en partenariat avec l’ADEME

Thème de l’atelier :  Et si la France était neutre en carbone en 2050 ? Scénario 2, coopérations territoriales



Question du journaliste à Alex : « Comment s’est passée ton arrivée à Barenton (Normandie) ? »
Alex : « J’habite en Normandie depuis déjà 10 ans, mais j’étais localisée sur la Côte. Cela me rappelait mon enfance dans le Sud de la France. J’ai découvert avec beaucoup d’émerveillement la campagne normande. La verdure, les odeurs, le chant des oiseaux et le bruit du vent dans les arbres. Je m’y suis tout de suite sentie à ma place. C’était comme une évidence pour moi qui ai choisi de travailler dans l’agroforesterie depuis toujours. 
Je me suis installée à l’extrémité du village, dans une ferme rénovée en lieu de vie partagé. Je suis jeune et nouvellement arrivée et tout était prévu pour que je me sente chez moi dès mon arrivée. Une des colocataires m’attendait pour me faire visiter le lieu et m’expliquer les règles communes. Mon logement était aménagé avec des meubles restaurés avec soin par un menuisier de village voisin. Le lieu était plein de vie, multigénérationnel et tout le monde était tellement bienveillant. Un modèle de partage et de reconnexion au vivant et cela me donne beaucoup d’espoir pour la suite. « 

– Journaliste : « Cette tempête était votre première tempête normande, pouvez-vous nous raconter ce qui s’est passé ? »
– Alex : « Non j’étais habituée aux tempêtes sur la côte ! 
Dans la nuit du 6 au 7 novembre dernier, vers 23h les vents se sont levés. Météo France avait émis des alertes, mais avec une température maximale de 30°C à 20h, mes colocataires s’attendaient à des orages et des vents assez violents, voire même une tornade.  
En fin de journée, nous avions pris certaines précautions : barricades des portes et des fenêtres, protection des cultures fragiles et mise en place du dispositif autonomie 72 heures. 
C’est vers 2h du matin que tout s’est accélérer : des éclairs, du tonnerre, des rafales de vents et de la grêle. Soudainement, le vent s’est engouffré dans le toit de la ferme, ce qui nous a tous réveillé. Et telle une catapulte,  en moins d’une minute le toit de la ferme s’est retrouvé en morceau et quelques mètres plus loin.

– Journaliste : « Comment avez vous réagi ? » 
– Alex : « J’ai eu très peur, sur le moment, mais rapidement je suis sortie et j’ai constaté avec mes colocataires l’ampleur des dégâts. « 

– Journaliste : « Comment les habitant.e.s de la ferme ont réussi à surmonter cette épreuve ? »
– Alex : « Bien que nous soyons habitué.e.s à des phénomènes climatiques importants, cette situation n’était pas facile à gérer. Surtout les plus jeunes, nous nous sentions un peu démuni.e.s. Les plus habitués nous ont vite pris sous leur aile et ont mis en place un cercle de paroles. J’étais assez étonnée que face à la perte de nos réserves, à la destruction du bâtiment principal de la ferme, nous prenions le temps de nous asseoir en cercle, sur le plancher, sans toit. Les quelques bougies, les étoiles, et le vent nous ont plongé dans une atmosphère calme, presque mystique. C’était un moment très fort où chacun.e a pu exprimer ses émotions, son désarroi face à ces pertes. Mais de nombreux témoignages positifs sont arrivés, une grande confiance se dégageait dans notre capacité à faire face, ensemble. 
Après cette soirée forte en émotions, nous nous sommes levé.e.s le lendemain avec un petit déjeuner magnifique, rempli de fruits, de salades fraiches, d’un bon pain au levain biologique. C’étaient les fermier.e.s des autres fermes collectives locales qui étaient venu.e.s à vélo, avec des cargos remplis d’outils, de paille, de vivres. Et surtout de leur bonne énergie communicative. Heureusement, la tempête était assez localisée, et iels n’avaient pas été touché.e.s. 
Après ce bon petit déjeuner, nous avons commencé à réinstaller les panneaux solaires pour retrouver l’électricité.

– Journaliste : « Et après cette tempête, que pouvez-vous nous dire de ce qu’elle a changé dans votre communauté ? « 
– Alex : « Finalement, cette tempête nous a permis de nous questionner sur les points d’amélioration à apporter, à la fois sur le bâti (les matériaux, l’organisation des espaces, les aménagements…) mais aussi sur notre façon de vivre ensemble et d’exercer notre mission d’agricultrices et agriculteurs. 
Nous avons choisi d’aller plus loin sur la coopération, entre nous, habitants du hameau, mais aussi avec les fermes des alentours, qui nous ont appoprté leur aide, et la ville proche. 
Entre nous, nous avons choisi de partager tous nos biens, pour que tout le monde puisse en bénéficier selon ses besoins. Cela nous a fait réfléchir sur notre lien à la propriété privée, notre sphère personnelle, notre rôle au sein de la communauté, les modalités de prise de décision. 
Avec notre écosystème de la ville proche, aussi, car nous sommes bien conscients que nous sommes plus forts ensemble. Car complémentaires à tous points de vue ! 
En effet, nous avons bien compris que c’est par la coopération et le partage que nous avons pu nous en sortir !  Et donc, notre challenge pour les années à venir va être d’aller encore plus loin dans ce partage (ville / campagne, agricultrices.eurs / autres métiers, jeunes / vieux…) . C’est un challenge, nous en sommes conscient.e.s, mais c’est tout à fait exaltant !
Pour terminer, cette tempête nous a permis de nous recentrer sur l’essentiel,  pour que notre vie soit le plus en accord avec nos valeurs, et nous espérons faire école autour de nous 🙂