04 Sep Le peuple « Ma’aohi »
Récit imaginé par Laura Siu Seguin, Sandra Shan Sei Fan, Ornella Lichon et Guillaume Reynaud et facilité par Sawsan Pinson dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 4 septembre 2024, Parcours CEC Pacifique.
Thème de l’atelier : « Et si en 2050, nous avions créé de nouvelles alliances avec le vivant ? »
Tahiti, 2050. En vingt-cinq ans, la société polynésienne s’est transformée : depuis son système politique, jusqu’aux infrastructures et aménagements, ainsi que le mode de vie des Tahitiens, le paysage de l’île en forme de raquette n’est plus du tout le même.
Nos représentants, tirés au sort pour un mandat de 7 ans depuis l’année 2025, ont mis en place un nouveau système social, juste, équitable et qui fonctionne jusqu’à présent.
Libérés de toutes les contraintes matérielles et financières, les tahitiens disposent d’un revenu universel, de logements décents et uniformes, d’une alimentation saine, locale et suffisante, de l’eau potable partout. Affranchis de la nécessité d’assouvir leurs besoins primaires, la population a pu se recentrer sur l’essentiel : une éducation en phase avec le vivant, tout au long de la vie, la contribution à l’équilibre fragile de notre écosystème insulaire, et la contribution sociale et économique de tous pour le Pays.
Par l’entremise du collectif, le développement des moyens de transport dits de « mobilité douce » a été fulgurant : le nombre de voitures individuelles a été réduit à quelques centaines, tandis que la majorité de la population se déplace à vélo, en trottinette, pirogue ou encore bateau à voile, sans oublier les téléphériques urbains, joyaux de construction technologique et écologique !
Répartis également sur l’ensemble de l’île, les tahitiens ont repeuplé les vallées, la nature a repris le dessus et la population s’est réconciliée avec son environnement, respectant ainsi les cycles de récolte et de pêches dictés par les traditions polynésiennes des anciens temps.
Hina, une jeune femme de 40 ans, métissée (aux origines polynésienne, asiatique et européenne), mère de 2 enfants et naturopathe au quotidien, a été tiré au sort il y a 2 ans pour faire partie du conseil Ma’aohi, garants de la culture et du patrimoine du peuple, et du bien-être de la population, pour les sept prochaines années.
Pendant son trajet habituel d’1h en téléphérique urbain, Hina repensait au chemin parcouru par le peuple polynésien sur les 25 dernières années : ses prédécesseurs avaient réussi de beaux projets, entre la construction du téléphérique et celle des logements en alliage mycellium/coco/bois, assurant ainsi la mobilité et le logement pour toute la population de Tahiti, le revenu universel, la refonte des programmes scolaires orientés sur l’empathie et le respect de la nature, la valorisation des traditions culturelles comme le rāhui[1], plafonnement du nombre annuel de touristes et en parallèle développement de l’éco-tourisme… Toutes ces transformations ont porté leurs fruits car à ce jour, Tahiti est devenu un modèle de résilience territoriale à l’échelle mondiale.
Dépourvue de touristes depuis cinq ans maintenant, les habitants de l’île vivaient en autosuffisance alimentaire et énergétique, dans un équilibre fragile mais stable.
Cet équilibre allait être menacé par l’arrivée de 1000 réfugiés climatiques des Tuamotu, prévue dans 1 an, en janvier 2051.
Accueillir 1000 habitants de plus et préserver l’équilibre de l’écosystème, tel était le défi de son mandat !
Après des mois de travail, d’échanges, de débats houleux, mais constructifs, son équipe rapprochée a pu définir le plan de relocalisation de la population avec l’arrivée des réfugiés : matériellement, il était prévu d’habiliter la vallée de Mataeia, jusqu’alors préservée et d’y construire de nouveaux logements, et de les raccorder à l’électricité et à l’eau. Organisationnellement, se posait la question de la contribution des réfugiés à l’écosystème et le maintient de l’autosuffisance alimentaire et énergétique.
Les solutions technologiques et organisationnelles avaient été trouvées, encore fallait-il que les réfugiés jouent le jeu ! Ils avaient encore un an de préparatifs, ce qui était beaucoup et à la fois peu, au vu de la tâche à réaliser !
Elle devra compter sur toutes les bonnes énergies pour tenir le cap et y arriver !
Tahiti, 12 janvier 2051, 6h00. Le réveil sonne. Hina sait qu’aujourd’hui est certainement le jour le plus important de son mandat. Aujourd’hui, le millier de réfugiés climatiques des Tuamotu va arriver par bateau vers 10h. Tout en prenant son café, Hina repense aux difficultés rencontrées sur la dernière année : le référendum, les travaux à finir, les oppositions des tahitiens… Mais la population tahitienne a su se rappeler de sa culture et de son sens profond de l’accueil. Rien n’est encore joué, certes, mais Hina est confiante. Presque tous les réfugiés ont choisi un village en bord de mer sur la commune de Mataeia, quelques-uns ont même choisi la vallée pour vivre de nouvelles aventures…
A suivre…
[1] Modèle ancestral et efficace pour la gestion des ressources naturelles