Le goût de la résilience : la cerise sur le gâteau

Récit imaginé par Calista, Mathieu, Hugo et facilité par facilité par Émilie Naminzo, Lauriane Pouliquen-Lardy et Mathilde Guyard dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 17 novembre 2023 à Science Po Rennes en partenariat avec l’ADEME

Thème de l’atelier :  Et si la France était neutre en carbone en 2050, dans le scénario 1 : génération frugale ?


Nous sommes en l’an 2050 à Lyon, en plein été. Comme chaque dimanche, Pie, 20 ans, retourne chez ses parents pour déjeuner. La tradition veut qu’à cette saison, le dessert soit un clafoutis aux cerises qui proviennent de la production de Pie, installée à quelques kilomètres, en périphérie lyonnaise. Cependant, depuis deux ans, les faibles récoltes dues aux aléas climatiques rendent difficile le quotidien de Pie au point de se poser la question de la durabilité de son activité. Ne manquant jamais d’arriver avant 12h00 pour profiter de l’apéritif où sont servies les délicieuses olives produites par son ami Francis, Pie observe dans la cuisine sa mère, Cherry – femme de la cinquantaine, qui a effectué des études d’ingénierie mécanique et qui s’est reconvertie en réparation de vélos – réaliser une généreuse tarte aux pommes. C’en est trop pour lui. Après avoir passé la journée du samedi à s’entretenir avec les pouvoirs publics locaux pour réclamer un plan d’aide sécheresse, il est à cran. 

-Maman c’est encore une tarte aux pommes ? Où est passé le fameux clafoutis que j’avais tous les dimanches d’été avant les sécheresses de 2048 ? Alors là, c’est la cerise sur le gâteau !

– Mon chou de Bruxelles, tu sais très bien que nous n’avons plus suffisamment de cerises pour nous permettre ce petit plaisir, mais c’est pas grave on s’adapte, les tartes aux pommes c’est tout aussi bon, non ?

– S’adapter, faire moins, je n’en peux plus que tu me répètes ça depuis tout petit. Dans mon cours d’histoire agricole on nous a dit qu’en 2020, on avait accès à tous les fruits et légumes à n’importe quel moment de l’année et sur n’importe quel territoire, ça devait être génial ! Plus besoin de dépendre des aléas climatiques, on pouvait nourrir tout le monde sans que chacun ne se prive.

– Pie, si tu savais dans quelle société on vivait à ce moment-là…  Réparer, s’adapter, et j’en sais quelque chose dans mon métier, c’est la clé de notre bonheur. Je te garantis que dans le passé, tu n’aurais pas été aussi heureux et épanoui qu’aujourd’hui.

– Mais dis moi alors ! Dis moi ce qu’il y avait de mal à avoir accès à tout et de partout ? A ne pas se priver ? 

– Mais Pie, mon petit chou de Bruxelles, tu sais, si nous vivons aujourd’hui de la sorte, c’est parce que nous avons su nous adapter aux changements climatologiques et que nous avons cherché à réduire notre bilan Carbone pour éviter que la planète ne se réchauffe plus qu’elle ne l’a déjà fait.

Tu sais les sécheresses qu’on vit aujourd’hui, ça n’est rien, on s’adapte. On ne meurt pas de ne pas manger de clafoutis pendant quelques années car on a su développer les polycultures. Avant, personne ne voulait devenir agriculteur : pas de terres, mauvaise rémunération, concurrence avec les importations… Aujourd’hui plus de la moitié de la population travaille dans un secteur agricole ou alimentaire car on a bien compris que c’était la base d’une société stable. Certes les rendements ne sont pas toujours au rendez-vous mais grâce au programme « Un agri à ma porte  » on a la chance de pouvoir être aidés pour nos jardins partagés. Et puis si tu savais combien nos changements de comportement ont changé nos paysages, nos cadre de vie.

– Oui mais à quel prix ? C’est le deuxième mois consécutif où je ne me rémunère plus correctement. Je n’ai aucune assurance récolte, je vis dans la constante crainte des aléas climatiques qui du jour au lendemain peuvent mettre à terre tous mes produits. J’ai beau être agri, les aléas climatiques me rendent aigri.

– Pie, si tu avais connu Lyon en 2020. Tout était si bruyant, on était stressé pour tout : faire 8h-19h, être payée moins car on était une femme, ne pas savoir d’où les produits venaient quand on allait au supermarché, les temps de trajet interminables. On n’avait plus le temps pour rien et pour personne. Chacun vivait dans sa bulle, isolé.  

Mon petit chou de Bruxelles, pourquoi n’irais-tu pas faire un petit voyage et voir tes grands-parents en Angleterre. Tu pourras voir l’agriculture qu’ils font là-bas. J’ai entendu dire qu’ils faisaient du Champagne aujourd’hui. Peut-être tu pourras t’inspirer de ce qu’ils cultivent aujourd’hui et de comment ils se sont adaptés pour réfléchir à comment changer ta propre agriculture…

– Bon, je veux bien aller voir, si tu penses Maman. 

Et c’est ainsi que la résilience, l’adaptation s’apprennent et se réapprennent tous les jours. A l’image des cultures agricoles, tout s’entretient.