L’arbre des vivants

Imaginez…


Nous sommes en 2027. La France est définitivement entrée dans une longue et radieuse période de sobriété, faire mieux avec moins, seule à même de répondre aux enjeux écologiques et sociaux de notre siècle. Au contraire des positions dogmatiques du début du 21eme siècle, elle a déconstruit les récits alors dominants et s’est inventé de nouvelles célébrations.


Et si nous imaginions la sobriété dans la joie des célébrations de fin d’année ? À quoi ressembleraient les contes populaires de Noël dans une société sobre ? Que nous offrerions-nous ? Comment célébrerions-nous ensemble, en famille, entre amis ? Quels enchantements racontés pour petits et grands seraient fédérateurs et porteurs de sobriété ? Répondre de manière profonde et durable aux défis écologiques et sociaux passe aussi par l’émergence d’imaginaires porteurs d’avenir. En partenariat avec La Fabrique des récits, c’est ce que nous avons proposé aux participants de cet atelier d’écriture collaborative en les invitant à co-créer des récits de futurs désirables sur le thème de la sobriété durant les fêtes de fin d’année.

Récit imaginé par Yann Garreau, Mamadou Aliou, Tymch, Pascale Dymowski, Tiphaine Boulange et facilité par Vincent Doubrere dans le cadre l’atelier Futurs Proches réalisé le 8 novembre 2022 en partenariat avec La fabrique des récits.


Je suis robuste et vulnérable, petite et âgée. Je suis une vieille dame avec une âme d’enfant.
Je suis enracinée depuis 340 millions d’années et je veille à l’équilibre de mes proches. Ma robe épineuse passe du vert au rouge quand je suis en colère pour alerter mon écosystème des dangers imminents.

Je suis la lumière chaleureuse dans la nuit froide de l’hiver. Je rassemble mon entourage autour de chants païens, de soupes, de champagne et de beaux souvenirs.

Je suis Luz, le premier arbre.

En ces fêtes de Noël 2027, j’étais en pleine activité sensorielle, connectée à la terre par le réseau racinaire ancestral de la forêt, reliée au ciel où se projettent les rêves et espoirs futurs, en prise avec le présent des humains en fête.

Je sens une chaleur et des douleurs sur mes racines. Quelques habitants maladroits voulant se chauffer ont démarré un feu provoquant un gigantesque incendie de forêt. La lumière éblouissante se propage jusqu’au ciel, la chaleur brûlante se répand jusqu’au profondeur du sol, emportant les arbres, les fougères, les champignons et les mousses. En quelques minutes, un équilibre séculaire est dévasté par l’imprudence, l’inconséquence et l’excès de

quelques hommes. Ma robe prend une couleur rouge et grâce à la symbiose mycorhizienne qui me relie au vivant, je diffuse un message d’alerte qui déplace d’immenses masses d’eau souterraines vers le point de départ du méga feu. Depuis le jour où je les ai sauvés, les humains viennent me rendre hommage pendant tout l’hiver, prennent soin des sols et plantent des graines qui feront rejaillir la source de la vie. En échange je les reconnecte à la magie du vivant en convoquant les oiseaux pour qu’ensemble nous entamions le chant de l’hiver sobre. Mes racines ont formé de nouveaux habitats en forme de yourte de Noël qui nous rassemblent au chaud sous les lumières de la convivialité.

Je suis l’arbre des vivants.