L’accueil des écureuils

Récit imaginé par Christine Jardat Cheminant, Lucile Mendouça, Lydien et Victor Martin et facilité par Mathilde Guyard dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 25 juillet 2024 en partenariat avec Alternatiba au camp climat Terres de Loire

Thème de l’atelier :  « Et si en 2050, nous avions créé de nouvelles alliances avec le vivant ? »


Le soleil d’août brillait sur le vieux chêne de la place centrale du village. A l’ombre du feuillage centenaire, Cécilio dispensait une leçon d’herboristerie aux enfants âgés de 8 à 15 ans. Le bruit des feuilles frémissant sous le vent était troublé par les cris des plus petits qui apprenaient, sous la houlette de trois anciennes, les interactions entre les différents animaux sous forme d’un jeu coopératif. L’odeur du pain au levain, annonciatrice du festin du déjeuner dans la halle commune, embaumait l’atmosphère des rues adjacentes, se mélangeant aux parfums des légumes d’été préparés en ratatouille par l’équipe responsable de la cuisine cette semaine.

« Mamé Simaone ! S’écrie un des petits. Pourquoi on ne va pas dans la forêt des biches alors que elles, elles ont le droit de traverser le village ?

– Parce que nous devons laisser tranquilles les habitats des animaux, afin qu’ils puissent interagir en toute harmonie. Au contraire, quand ils traversent le village, eux ne brisent pas notre harmonie. »

Soudain, quelques enfants revinrent sur la grande place en criant « D’autres humains ! Ils arrivent ! ». Quelques minutes après, la place était remplie de ce mystérieux cortège. Dès leur arrivée, on leur donna de l’eau et de quoi s’asseoir car ils semblaient terrassés par leur périple. En discutant un peu, ils partagèrent leur histoire : c’était une communauté voisine vivant dans les grands feuillus en marge de la zone de préservation. Un incendie avait ravagé une partie de la forêt et la totalité de leur village au passage. Ils étaient venus par désespoir et demandaient l’aide de leurs voisins. D’un élan général, chacun ouvrit son garde-manger et déplia un couchage de fortune pour accueillir à la hâte les familles. Mais malgré ce partage spontané, les habitant.e.s du village du vieux chêne partageaient le même regard : qu’allaient-ils faire demain ?

Durant les premiers mois les « Écureuils » s’adaptèrent au mode de vide des habitants de la communauté du vieux chêne. Ils étaient reconnaissants que ceux-ci les aient accueillis, nourris, et abrités dans l’urgence. Pendant un an ils participèrent aux travaux des champs, apprécièrent la nourriture fabriquée en commun à partir des récoltes de l’année. Ils intégrèrent des règles de vie nouvelles pour eux, en particulier en allant à l’école. Mais chaque nuit les Écureuils rêvaient de leur ancienne vie où ils naviguaient d’arbres en arbres. La vie d’agri-sédentaires ne leur convenait pas. Les enfants Écureuils furent les premiers à s’échapper de la communauté pour aller grimper dans les arbres de la forêt interdite la plus proche. A leur retour, ils étaient enchantés, chargés de baies et de champignons. Leurs parents demandèrent alors un nouveau débat au pied du vieux chêne pour exprimer leur besoin de liberté, de hauteur et de choisir leur destin.

Passées les premières difficultés de communication entre les Écureuils et la communauté du vieux chêne, la solution qui convenait au plus grand nombre finit par émerger. Bien sûr, ne pas accueillir les Écureuils en premier lieu aurait été une trahison de l’idéal de vie commun. Le vivre ensemble, l’acceptation des différences et l’entraide avaient été les valeurs cardinales qui avaient permis au grand chêne de vivre et de prospérer jusqu’ici. Il n’était toutefois plus envisageable de vivre tous.tes ensemble dans le même espace qui aurait subi une trop forte pression suite à l’arrivée d’autant de nouveaux humains. Il faudrait encore du temps, et continuer à parer à l’immédiat en s’organisant toujours au mieux pour que les Écureuils puissent s’intégrer au collectif avant de mettre en place la solution envisagée : installer la nouvelle communauté dans l’ancien bois de la zone interdite. Bien que cette zone ait été déclarée interdite aux humains, l’incendie qui avait chassé les Écureuils leur avait supprimé leur liberté de vivre selon leur culture, et il n’était donc que justice de leur permettre de s’épanouir à nouveau à leur manière.