La désobéissance civile

Texte écrit par Loïc Marcé, humain, engagé dans l’Anthropocène, en quête d’impact et de sens, membre animateur de futurs proches, co-fondateur de l’Arbre des imaginaires, membre de la Freque du climat et Alternatiba.

Rien n’est plus éloigné de moi en première analyse que la désobéissance civile. Bon élève, poli, respectueux des normes et des conventions… Enfreindre des règles et des lois est pour moi une absurdité, une possibilité inconcevable.

Et pourtant…

Il y a peu, j’ai pratiqué la désobéissance civile. Oh, si peu, une simple manifestation non autorisée assortie d’un indolore contrôle d’identité des forces de l’ordre quand, à quelques mètres de là, sur le tarmac de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, mes courageux camarades étaient emmenés en garde-à-vue après avoir tenté de bloquer quelques avions à terre.

Un acte presque insignifiant mais qui ne l’était pas pour moi et qui ne restera pas sans suite. Il y a quelques années je n’aurai pu ne serait-ce qu’imaginer en arriver là.

Et pourtant…

Comment rester propre sur moi quand la machine économique fait du sale pour la planète ? Comment demeurer bien sous tous rapports, quand les rapports justement se multiplient pour dire que tout va de plus en plus mal ?

Les avions volent notre avenir quand les SUV roulent dessus, les arbres tombent et brûlent, les animaux qu’on nomme sauvages fuient ou meurent, les autres, l’écrasante majorité, sont élevés dans le but d’être tués pour remplir nos assiettes, les émissions de gaz à effet de serre augmentent au même rythme que les déclarations main sur le cœur promettant un monde d’après… 

Et tout le monde ou presque s’en fout. Notre sang rouge viande coagule nos pensées, les chiffres effarants fondent sur nous comme la banquise aux pôles, nous connaissons par cœur le catalogue Netflix, les slogans publicitaires et les dernières infos people, mais sommes incapables de reconnaître l’oiseau qui passe, la fleur, le champignon, l’arbre, qui résistent.

Il nous faut nous réveiller, maintenant ou il sera trop tard. Marquer les esprits pour sortir de la torpeur et l’apathie généralisées. Désobéir s’il le faut pour protéger l’essentiel.

Devant l’urgence et l’ampleur de la catastrophe à venir si nous ne faisons rien, nous devons obéir à ce que Vandana Shiva appelle « de plus hautes lois ». 

Face aux lois iniques, face aux comportements prédateurs, face à l’extermination brutale et froide du vivant, face à la quête folle d’une croissance infinie, face aux fossoyeurs des ressources de notre belle planète, face aux marchands de chimères vertes, face à l’incurie des grandes entreprises, face à l’impuissance des politiques, face à l’aveuglement de la population…

Je me dois de me rebeller et désobéir. Pas par gaieté de cœur, amour du risque ou bravade. Par une impérieuse nécessité.

Pour ma fille, mes neveux, nièces et filleul.e.s qui commencent leurs vies dans un monde en route vers le chaos. Pour mes camarades de lutte, pour tous celles et ceux qui rêvent d’un nouveau monde et qui cultivent l’espoir fou de changer l’actuel. 

Pour moi enfin, qui ne veux pas avoir su et n’avoir rien fait.


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