Et si c’était 2050 ?

Récit imaginé par Julie, Noé, Ulysse et Samuel et facilité par Lauriane Pouliquen-Lardy dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 4 octobre 2023 en partenariat avec l’ADEME

Thème de l’atelier :  Et si la France était neutre en carbone en 2050, dans le scénario 4, pari réparateur ? 


4 octobre 2050

Après une bonne séance, je sors de la salle de surf de Pornic pour admirer la plage. J’ai rappelé la voiture, elle devrait arriver d’ici quelques minutes. J’en profite pour vérifier la bourse, qui m’est favorable aujourd’hui – j’ai gagné 1 500€ dans la journée. En rentrant dans la voiture, elle m’accueille avec un bulletin météo, la température extérieure descendra en dessous de 30°C à partir de 22h. Mais qui reste en extérieur jusqu’à 22h ? Je demande donc de passer de la musique.

J’arrive bientôt dans le quartier de Graslin, près de la maison. Comme d’habitude, je ne prête pas attention à la route, je cherche sur mon téléphone de quoi manger en rentrant. Je dois penser à envoyer la voiture au garage dans la semaine car l’ampoule du clignotant droit est morte. Justement, alors que la voiture s’engage à droite le véhicule pile net et BOUM. Que s’est-il passé?

Je vois un monsieur au sol, son vélo à côté de lui. Il n’est pas difficile de réaliser qu’il ne m’a pas vu tourner.

Ce soir, comme tous les soirs, je m’en vais chercher un repas au centre des Restos du Cœur. 

Je débauche à vélo, comme d’habitude, et je suis pile à l’heure pour la distribution. Le dessert à l’air vraiment sympathique aujourd’hui !

Le sourire aux lèvres, je  remonte sur mon vieux vélo des années 20 et pédale à toute vitesse. 

J’en profite, il fait moins chaud que d’habitude. Et tous les feux sont verts aujourd’hui.

BOUM

Que se passe-t-il ? Je me réveille sur la route.

Encore une de ces voitures autonomes qui ne se souvient pas de ce qu’est un vélo. 

Je vois qu’une jeune fille vient vers moi. Elle me demande comment je vais.

Après m’être assurée qu’il était conscient, je lui propose de lui payer un taxi – j’aurais dû faire changer ce clignotant plus tôt – mais il ne peut pas le prendre avec son vélo. Je décide donc d’accueillir ce cycliste, Olivier, dans ma voiture.

Le début du trajet se fait dans le silence. Je comprends qu’il n’a pas l’habitude de voyager en voiture. Ne prend-il toujours que son vélo pour se déplacer? 

Alors que nous approchons son village, en passant devant ce que je devine être un dépôt de nourriture contre les pénuries. Je lui demande ce qu’ils servent comme nourriture dans ces endroits. Il me dit qu’il n’y a que des féculents et parfois un peu de légumes, ce sont des repas très déconseillés par mon application de nutrition. Je remarque que ce qu’il appelle un village est en réalité une concentration très dense d’immeubles. « j’ai grandi ici, ce n’était alors qu’un village », me dit-il. Les usines avoisinantes ne produisent pas de fumée, mais l’odeur de l’air laisse deviner que les activités y sont intenses. Il n’y travaille plus depuis qu’une intelligence artificielle lui a pris son poste.

Surtout, Olivier m’explique que la pauvreté de ce quartier n’est pas prête de se finir. Le zéro carbone c’est bien, mais sans possibilité d’acheter le dernier climatiseur ni de survivre par ces températures, les habitants utilisent les vieux équipements énergivores. Ils finissent par payer des taxes dues à leurs émissions, en plus d’une facture d’énergie salée.

Après avoir fait le constat que le taxi ne prendra pas mon vélo, elle décide de m’accompagner jusque chez moi pour m’y déposer. Dans la voiture, nous discutons. N’a-t-elle jamais fait de vélo hors d’un parc artificiel ? Cette voiture autonome semble son seul moyen de se déplacer. Elle m’explique qu’elle emprunte aussi l’avion, pour se rendre en vacances.

En franchissant les limites de la ville, je vois son regard nouveau sur le monde dans lequel nous vivons tous les deux, je lui apprends comment nous vivons, dans la classe modeste, et comment nous en sommes arrivés là. Après le récit de mon parcours et de celui de ma famille, nous arrivons enfin chez moi, elle semble chamboulée.

J’espère qu’elle investira (j’ai cru comprendre qu’elle vivait de cela) dans la lutte contre les inégalités.

Après cette journée forte en émotions et pleine de surprises, Clémentine rentre chez elle en repensant à toutes leurs discussions. Elle ne pensait pas que beaucoup de personnes vivaient de cette façon. Elle réalise à quel point la vie pour certaines personnes est difficile. Sur le chemin, en traversant la banlieue, elle regarde autour d’elle et voit que tous les immeubles ici sont mal adaptés au changement climatique. Il n’y a pas de piscine résidentielle pour les périodes de canicule. Il n’y a pas de brumisateur dans la rue. Il y a beaucoup de SDF, aucune voiture n’est garée parce que les personnes n’en ont pas. Elle arrive chez elle encore perturbée par tout cela. Exténuée par cette journée, elle commande un repas sur UberEat et se prépare à aller dans son jacuzzi. 

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Olivier apprend un mois plus tard que la jeune femme qui l’avait renversé est décédée dans une crue éclair qui a submergé sa voiture électrique. Elle n’a pas pu sorti à temps.