L’envers du pollinivers

Récit imaginé par Solène MANOUVRIER, Frédérique AMPILHAC, Grégory VAN DEN PERRE et Philippe BOUTEYRE et facilité par Vanessa WECK dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 1er mai 2022, en partenariat avec Printemps écologique et Ouishare, au titre des Rencontres de l’écologie et du travail et portant sur le thème « se reposer », dans le contexte du scénario 4 de l’ADEME, « pari réparateur ».

Thème de l’atelier:  Et si demain, la place du travail participait à une société juste et écologique ?  


Dimanche 1er mai

Ça y est, c’est le grand jour : je pars en Inde ! Je m’appelle Noé, matricule Z0253. Je suis chercheur en technopollinisation durable. Eh oui, de ce côté de la planète, la technologie a permis de s’affranchir des limites de productivité de la pollinisation par les insectes. Des nanodrones avec IA quantique embarquée permettent de polliniser avec une productivité 100 000 fois plus importante et des progrès restent encore à faire. Je travaille pour l’entreprise Pollinivers qui développe aussi des produits anabolisants pour les plantes. Après deux années sans aucune vacance, j’ai enfin pu poser 2 semaines de congés pour partir en Inde et voire mon amie d’école Ava.

Lundi 30 mai

Quelle aventure ! Une fois arrivé à l’aéroport de Bombay, je prends une voiture autonome pour retrouver mon amie dans une ville à une centaine kilomètres de la mégalopole. Il fait chaud mais mon régulateur de température interne fonctionne à plein régime : je transpire peu. Nous empruntons des routes balisées, séparées du monde environnant par de grands murs en béton. Mon GPS intégré m’indique que nous devons arriver dans une quinzaine de minutes. Il faut dire que nous roulons à 200 km/h. Mais tout à coup, j’entends un bruit étrange, des cris semble-t-il, mais très ténus, masqués par la musique de salon diffusée par la voiture – elle a reconnu mes envies musicales grâce à un système de reconnaissance faciale des émotions. Nous nous rapprochons, je les distingue désormais : il s’agit d’un groupe de paysans indiens qui viennent de franchir les remparts et forcent ma voiture à s’arrêter. Je suis bien obligé de sortir du véhicule pour en savoir plus…

Je ne sais pas pourquoi, je décide de les suivre. Après deux heures de marche, j’arrive au village paysan.

Je n’ai pas vu passer le temps mais ça fait aujourd’hui un mois que je suis avec eux. Je ne suis plus connecté à internet, j’ai perdu mes repères et le temps a filé. Durant cette période, j’ai appris à reconnaître un sol riche et vivant, à comprendre les cycles de l’azote et du carbone. Ici pas de pesticides ni d’intrants chimiques, pas de drones non plus. Les insectes effectuent un travail extraordinaire. Tout se fait à la main avec des outils rudimentaires mais que c’est efficace !

Jeudi 2 juin

Après toutes ces découvertes, j’ai décidé de rentrer en France. Ayant déserté l’entreprise pendant un mois, je ne peux plus revenir : mon contrat a été rompu. J’ai reçu la notification une fois à l’aéroport, à Paris, lorsque j’ai retrouvé la connexion au réseau français.

Maintenant, je suis retourné chez moi mais j’ai envie d’autre chose. Je souhaite transmettre ces précieux savoirs que j’ai acquis en Inde. Comme il n’y a quasiment plus de zones rurales ici en France, j’appelle un passeur pour me conduire dans un des rares villages encore préservés…