Ecrivons le changement que nous voulons voir dans le monde

Texte écrit par Loïc Marcé, humain, engagé dans l’Anthropocène, en quête d’impact et de sens, membre animateur de futurs proches, co-fondateur de l’Arbre des imaginaires, membre de la Freque du climat et Alternatiba.


Écrire pour penser. Écrire oblige à réfléchir. Dans les deux sens du terme. L’écriture est un miroir de l’âme. Elle oblige aussi à prendre du recul, de la distance avec ses émotions pour mieux les formuler et les transmettre. Elle peut être un rempart contre l’infobésité, le tourbillon de l’instantané, la réaction à chaud, le petit mot, le prêt-à-penser, les mots-valises et formules à l’emporte-pièces. L’écrit catalyse, épure, digère. Et par le processus d’écriture, nous pensons, nous scrutons les failles, nous doutons, nous hésitons, et par là même renforçons la solidité de notre propos. 

Écrire pour panser. Le monde nous bouleverse, nous malmène, nous choque. Sa marche, ses dérèglements, ses effarantes inégalités, sa course folle vers l’abîme… Tout cela nous blesse. Écrire agit alors comme un cataplasme pour nos peines, un onguent pour nos angoisses, un remède à nos démons. Mettre ses tripes dans un texte pour soigner son mal-être. Sortir son dégoût, sa rage, sa peur, l’exprimer par des mots, des phrases, un récit, c’est un bonheur cathartique puissant. Exprimer son regard sur le monde est un moyen de reprendre la main. 

Écrire c’est faire preuve de courage. Il faut prendre du temps pour écrire. Lutter contre la page blanche. Accepter de trébucher, d’être fébrile. Accepter de se confronter à soi-même, à sa vie intérieure et à sa solitude. L’écriture est un sport, une épreuve au long cours, une bataille mentale. Ecrire c’est aussi souvent oser être lu. Dompter la peur de confier ses écrits à des yeux autres. Accepter les critiques. Affirmer haut et fort sa pensée, sa vision du monde, et assumer ses propos. 

Écrire pour se transformer. L’écriture est une introspection, un moment de vérité face à ses idées. Une écriture engagée se polit, s’affine, cristallise des centaines, des milliers de lectures, fait accoucher une pensée articulée et cohérente. Elle nous oblige à nous confronter à des idées nouvelles, à apprendre, nous documenter, et partant, à changer notre perception, notre regard sur le monde, revisiter nos clichés et nos a priori, éviter les raccourcis faciles et les jugements rapides, se mettre à la place de l’autre. L’acte d’écrire et de s’engager en écriture, c’est l’apparente schizophrénie d’une humilité extrême au service d’une ambition qui nous dépasse.

Écrire pour agir. La réflexion, la cure, le courage, la transformation personnelle, tous ces ingrédients composent le plus somptueux des repas, la mise en mouvement, le passage à l’action. Coucher sur papier son indignation donne envie de lever le poing. Asseoir sa pensée radicale nourrit l’impulsion libératrice de sortir dans la rue et agir. Imaginer un futur désirable donne la force d’œuvrer pour le faire advenir. Écrire ses constats, ses émotions, ses combats, proposer des solutions… impulse notre désir de militer, de s’engager, de s’opposer et proposer. L’écriture précède, cohabite, succède, alimente et s’alimente de l’action.

Écrire pour convaincre. Des mots choisis, des phrases percutantes, des discours tourbillonnants, une éloquence assise sur des convictions profondes, sincères et authentiques peuvent changer le monde, le destin d’une communauté, d’un groupe, d’une nation. Martin Luther King, Gandhi et tant d’autres ont fait la démonstration de la puissance de discours engagés quand ils sont au service d’actions authentiques et déterminées. L’écriture engagée est un acte politique, un combat. On peut blesser avec des mots, on peut être tué pour des mots. Ces mots, minuscules gouttes d’eau, nourrissent des phrases ruisseaux abreuvant des paragraphes rivières qui alimentent des textes fleuves mis en mouvement par le courant fort, indomptable, impérieux des idées qui renversent les forteresses les plus anciennes, les mieux ancrées, supposément indépassables.

Écrire pour s’engager. Les récits actuels nous aliènent. La compétition, la course à la croissance, à l’extraction toujours plus avide des trésors enfouis, l’« optimisation » du temps, le néolibéralisme, le voile impudique sur l’extermination des animaux ou l’extrême pauvreté de milliards d’humains, l’avoir plutôt que l’être, l’impuissance face au changement climatique, la valorisation des valeurs masculines, de la viande, des signes matériels de richesse les plus polluants (avion, SUV, mode, luxe)… 

Tant de totems érigés comme des incontournables, gravés dans le marbre de nos inconscients collectifs. Il n’en est rien. Cette forteresse d’apparence robuste n’est qu’un château de cartes, une fable puissante certes mais que nous pouvons, nous devons attaquer et faire ployer en la prenant à son propre jeu, l’écriture de récits alternatifs, systémiques, intransigeants sur les valeurs fondamentales d’équité, de solidarité, de symbiose avec le vivant, de sobriété choisie et désirée, de ralentissement, de retour à la terre, de retour à la raison et à notre juste place sur notre belle planète, source d’émerveillement et de gratitude pour les ressources inestimables qu’elle nous fournit.

Écrivons le changement que nous voulons voir dans le monde, 

C’est un des meilleurs moyens de les faire advenir.


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