Du rêve à la réalité : le temps des forêts

Récit imaginé par Elodie Cordier, Carole Zagouri, Josué Bulot, Nathalie L’étang et facilité par Marie-Eve Cardinal dans le cadre l’atelier futurs proches réalisé le 6 mai 2021.

Thème de l’atelier: et si nous imaginions des cours de futur à côté des cours d’histoire à l’école pour libérer les imaginaires des enfants ? 


06 mai 2050

La lumière du soleil filtre entre les feuillages de la canopée et forme des faisceaux sur le chemin de terre. Les yeux levés, l’enfant admire les nuances de vert qui se déclinent dans la forêt. « Hugo ! Hugo ! Viens par ici s’il te plait ». Sortant de sa contemplation, Hugo rejoint le reste de la classe pour son premier cour d’imaginaire en nature.

Tandis qu’il s’installe avec les autres sur des rondins de bois, il se sent un peu anxieux, que va-t-il bien pouvoir imaginer qui n’existe pas déjà? Instinctivement les enfants se sont assis en cercle et attendent que la maîtresse leur donne des instructions. La consigne est donnée, simple et déconcertante : « regardez autour de vous, imaginez et composez ce que vous souhaitez avec ce qui vous entoure. »

Certains courent déjà chercher des pommes de pin, d’autres font des tas de bois. Hugo ne bouge pas, il observe ce que font ses camarades. L’un fait un triangle de ses brindilles, une autre forme un tas de feuille, plus loin, une petite fille modèle de la terre et érige une tour. A côté d’Hugo, un de ses camarades gémit, « je veux rentrer à la maison ». Hugo se dit que lui, il est bien, ici dans la forêt, il s’y sent comme chez lui. Alors il regarde autour de lui, rassemble quelques brindilles et forme un carré pour les bases de la maison. Il prend ensuite de la terre et modèle les murs puis ajoute des feuilles pour faire le toit. Il se tourne vers le garçon à côté de lui et lui dit « tu vois, ici aussi ça peut être une maison ».

22 septembre 2060

Hugo a maintenant vingt ans. Les cours d’imaginaire qu’il a découvert à l’élémentaire et poursuivi jusqu’au baccalauréat, lui ont donné cette force qui est si importante dans la vie : la confiance. Il sait que tout est possible, qu’il n’a qu’à se laisser guider par son instinct. Il sait également que si il tombe sur une impasse, il saura imaginer une solution de repli. Clairement, ça donne des ailes, … d’ailleurs le voilà prêt à tenter l’aventure entrepreneuriale. Il vient tout juste d’obtenir le numéro de SIRET de sa start-up de concepteur-fabricant de maison végétale. Son rêve d’enfant en quelque sorte. Alimenté par ses expériences répétées dans l’école de la forêt, il sait où trouver les troncs les plus solides pour la structure, les lianes pour relier les éléments entre eux. Il tresse des panneaux en rotin pour constituer des parois, utilise des sandwichs 5 plis constitués de parois rotin et d’épaisseurs de mousse, préalablement séchée dans son four solaire, pour constituer l’isolation des murs, qu’il enduit de ciment végétal. Pour le toit, il constitue des tuiles mises en forme à partir de feuilles de bananier et du même ciment. Une fois assemblées, celles-ci, telles les écailles d’un serpent, guident l’écoulement des intempéries et assureront, si tout se passe comme prévu, une bonne étanchéité intérieure. Ainsi, d’ici peu, gageons sur le fait que nous n’aurons plus besoin d’extraire quelconque matière minérale des sols pour se loger. C’est le grand jour, place aux essais de ce premier prototype…

12 février 2062

Une fois encore il faut tout recommencer, pourtant tout est là, conforme à ce qu’il imaginait, pourquoi ça ne fonctionne pas ? La structure devrait pourtant se lier avec le reste du tronc et ainsi former la base de sa maison végétale… Il a pris en compte les préceptes enseignés, tout dans son esprit collait parfaitement, il n’y avait plus qu’à s’exécuter. Il ne comprend pas. Il y avait pourtant été préparé.A force d’essais répétés son rêve s’effondrait… il fallait s’y résoudre, jamais son projet ne prendrait forme. Il lui avait fallu tellement de temps, il se sentait perdu, il allait devoir se rabattre sur un autre scénario, plus éloigné de son rêve. Il relativise, imaginer des futurs a une part de risque, on le lui avait enseigné. Heureusement qu’il n’avait pas misé sur un seul projet… l’amertume s’engouffrait lentement dans son esprit. Il eut besoin de se recentrer, se dégourdir les jambes, et repartit en forêt là où son projet avait pris forme.  

Les années ont filé, les priorités et les projets ont changé.  Pour autant, certains liens perdurent…

29 mars 2070

Tandis que le temps  s’annonce radieux, Hugo décide de sortir avec sa fille Lisha.- Il fait beau aujourd’hui, allons nous balader en forêt.Le temps de mettre les manteaux et les bottes, ils sont dehors. Lisha est toute heureuse : « Vive la liberté ! », crie-t-elle. Elle se balade nonchalante, découvre les odeurs de cette forêt préservée de la pollution, par des nouvelles fleurs du printemps. Il savoure son bonheur de la voir à la fois si curieuse de la nature et si joyeuse. Les rayons du soleil sont si puissants qu’Hugo est aveuglé quelques secondes. Le temps de retrouver ses esprits, il cherche Lisha mais ne la voit pas. L’angoisse et la peur l’envahissent.

– Lisha, tu es où ? Lisha ???

– Oui Papa ??? 

Hugo l’entend à peine, ne comprend pas où chercher car on dirait que sa voix est en hauteur. Après quelques minutes d’appels et de recherche, il parvient tout de même à se hisser en hauteur et à la rejoindre. Il soupire d’un ouf de soulagement.Il écarquille les yeux. Il a une impression de déjà vu.- oh, bienvenue monsieur, venez donc visiter mon nouveau royaume ! Lisha vient de découvrir en grimpant aux arbres, proche de la canopée, une maison végétale naturelle.Hugo est pris de frissons. 

– Ce que je n’ai pas réussi à construire, la nature l’a réalisé.

– Magnifique ! Tu as vu, Papa, comme elle est belle cette maison ?

– Oui ma chérie répond-il avec joie. Tu sais, je crois que j’ai appris une leçon aujourd’hui : la richesse de la vie ne repose pas sur la transformation de ce que la nature nous offre, mais plutôt sur la préservation de ce qui existe déjà.